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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/57

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DROIT DE SOUVERAINETÉ

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le territoire du Vatican.

Ne pourrait-on pas cependant regarder la Souveraineté ilu Pape, depuis 1870, connue territoriale, en tant que s’exerçanl toujours sur le petit royaume du Vatican, respecté par l’Italie elle-même ?

Le Vatican serait donc considéré comme un petit Etat indépendant, reconnu par la loi italienne des garanties, un territoire où le Pape conserve tous les organes d’un gouvernement, y compris la frappe des monnaies et la possession d’une force armée.

En toute franchise, il ne semble pas que l’on puisse faire reposer sur une base aussi fragile et douteuse une conception d’aussi haute valeur que la Souveraineté du Pape.

D’abord, la liction de pure courtoisie est trop manifeste dans l’assimilation qui serait faite entre un palais et un Etat, entre les médailles pontilicales (frappées annuellement) et la monnaie d’échange (à valeur fiduciaire), et surtout entre les milices de garde d’honneur qui figurent au Vatican et des troupes constituant une armée proprement dite. Tout cela manquerait de portée sérieuse et n’aurait qu’une signification purement conventionnelle. On ne pourrait y reconnaître véritablement une Souveraineté territoriale.

Objection plus grave. Tout l’intérêt de la théorie résulterait du fait que l’Italie même et toutes les autres Puissances reconnaîtraient la Souveraineté indépendante du Pape sur le palais et les jardins du Vatican. D’où une e.i territorialité, juridiquement acquise, qui pourrait fonder un système politique de Souveraineté territoriale. Mais, précisément, la Souveraineté indépendante du Pape sur le palais et les jardins du Vatican n’est pas formellement reconnue ou juridiquement incontestée.

Les Puissances étrangères n’ont jamais eu lieu de se prononcer, d’une manière quelconque, sur ce problème de droit ; et la thèse catégorique des jurisconsultes italiens, appuyée sur les formules mêmes de l’article 5 de la loi des garanties, du 13 mai 1871, veut que la Papauté ne conserve sur le Vatican et autres domaines pontificaux qu’un droit de jouissance et d’usufruit, la nue propriété et la souveraineté appartenant à l’Etat italien.

Evidemment, cette théorie est fermement rejetée par le Saint-Siège. Mais le fait même que telle soit la conception officielle de l’Italie, empêche de proposer la Souveraineté indépendante du Pape sur le territoire du Vatican comme un droit incontesté, unanimement reconnu pour certain, qui constituerait la base authentique d’un système de Souveraineté territoriale.

La base fait défaut, puisque l’on n’est pas unanime à tenir pour juridiquement incontestable la propriété et laSouverainetéduPape sur le palais apostolique du Vatican.

Enfin, avouons qu’il y aurait bien des inconvénients à faire dépendre la Souveraineté du Pape, en Droit international, du fait même delà possession, considérée comme souveraine et indépendante, du palais et des jardins du Vatican.

De même que, de 1860 à 1870, on a spolié la Papauté de la souveraineté des anciens Etats pontificaux, il pourrait arriver qu’un parti révolutionnaire et antireligieux s’emparât un jour du pouvoir en Italie, et, chassant le Pape de son palais, opérât la confiscation du Vatican. Qui aurait le droit de regarder cette hypothèse comme inconcevable ?

Néanmoins, si, par malheur, elle venait jamais à se vérifier, concéderions-nous que le Pape aurait, en fait, perdu toute Souveraineté, au regard du Droit des Gens, parce qu’il aurait perdu la possession des quelques arpents do terre dont la jouissance, au moins, lui est laissée depuis la chute du pouvoir temporel ? N’est-il pas évident que la condition d’indépendance juridique etinternationale du Pape survivrait, en droit et en fait, à la perte du Vatican, comme elle a déjà survécu à la perle des anciens Etals pontificaux ? Spuller redirait sagement que la Souveraineté du Pape ne tient pas à une motte de (erre.

Conclusion : ne disons pas que, si nous affirmons, comme un fait actuel, la Souveraineté du Pape, ce soit à cause de la possession territoriale du domaine où il réside. Mais c’est à cause d’une réalité permanente, d’ordre politique et social, qui est indépendante de tous les bouleversements territoriaux et de toutes les controverses sur les textes législatifs et diplomatiques. Le Pape étant le Pape.il a juridiction sur les catholiques de tous les pays du monde. De ce fait, à légard de chacun des gouvernements séculiers, sa situation est telle qu’il ne peut et ne doit être subordonné au gouvernement d’aucun Etat, et qu’il doit, au contraire, pouvoir négocier, d’égal à égal, avec tous les Etats, les affaires de politique religieuse concernant le catholicisme. Et pareille situation de fait et de droit, dans le domaine juridique et international, c’est l’indépendance, c’est la Souveraineté. Encore une fois, tel est le sens incontestable dans lequel on doit dire avec certitude que, même depuis 1870, le Pape reste Souverain.

La loi italienne des garanties, si elle refuse au Pape la souveraineté territoriale, paraît bien lui reconnaître explicitement cette souveraineté personnelle et d’ordre juridique.

D’après les articles 1, 2 et 3 de cette loi, en effet, le Pape possédera les prérogatives personnelles du Souverain. Les attentats contre la personne pontificale seront passibles des mêmes pénalités que les attentats contre la personne royale. Tous les articles suivants tendent à sauvegarder l’indépendance des divers organes du gouvernement pontifical. Les articles Il et 12, en particulier, concernent les immunités du service diplomatique accrédité par le Pape à l’étranger, ou accrédité par les Puissances étrangères auprès du Pape, ainsi que les immunités de la correspondance postale et télégraphique du Saint-Siège, le tout en parfaite identité avec ce qui est garanti en faveur du gouvernement italien lui-même et des gouvernements étrangers. La loi reconnaît donc au Pape toutes les condilions juridiques d’existence qui sont requises à la Souveraineté, dès lors que l’on écarte l’idée de Souveraineté territoriale et que l’on s’en tient au concept de Souveraineté personnelle.

IV. Les revendications actuelles du Saint-Siège. — La loi italienne du 13 mai 1871 rend hommage à la Souveraineté pontificale. Mais, consacrant la spoliation des anciens Etats de l’Eglise, elle ne substitue pas à la garantie territoriale, qu’était le pouvoir temporel, une garantie juridique proportionnée à l’importancede l’intérêt etduprincipe qu’il s’agit de sauvegarder. Voici comment Benoit XV, en 1920, parlait dans l’Encyclique Pacem Dei :

Nous déclarons solennellement que jamais la condescendance de Notre attitude, conseillée, Nous semble-t-il, et même réclamée par l’excessive gravité des temps actuels, ne devra être interprétée comme une abdication tacite par le Saint-Siège de ses droits sacrés, comme s’il avait enfin accepté la situation anormale qui lui est faite actuellement.

Au contraire, Nous faisissons cette occasion de reprendre ici à Notre compte, et pour les mêmes motif », les protestation ) qu’ont élevées à plusieurs reprises Nos prédécesseurs, poussés qu’ils étaient, non par des raisons humaines, mais par un devoir sacré, à savoir : de défendre les droits