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SAVONAROLE

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II. Les lumières. — A. Le rbliuieux bt l’hommk db prière. — B. L’apologiste et le théologien.

— C. Lb prédicateur. — D. Savonarole bt le

MOUVEMENT DE LA RfiXAIiSANCB.

III. Lbs ombres. — A. Le prophète : a) Le docteur éclairé de Dieu, b) L’annonciateur des événements futurs. — B. Le réformateur db Saint-Marc. — G. Le réformateur de Florence. — D. Le réformateur db l’Eglise : a) Les faits. b) L’orthodoxie de Savonarole.

IV. Conclusion.

I. Etat de la question. — Jérôme Savonarole, né à Ferrare le 21 septembre 14°2, entra chez les Dominicains de Bologne (1 475), fut envoyé à Ferrare ( 1 4 7 l j) > puis au monastère de Saint-Marcde Florence (1482), en fut éloigné (1487), y revint (1490), poursuivit la réforme de Saint-Marc, de Florence, de l’Eglise, suscitant des enthousiasmes et aussi des inimitiés ardentes, brava la défense de prêcher (14y5) et l’excommunication (1497) portées contre lui par Alexandre VI, fut arrêté par le parti politique de Florence qui lui était hostile, jugé avec le concours final de deux commissaires du pape et condamné au feu le 22 mai 1498 ; il mourut sur le bûcher le 23.

Que faut-il penser de lui au point de vue catholique ? On a émis là-dessus les opinions les plus diverses, tant de son vivant qu’après sa mort. Elles se ramènent à deux classes.

A. Savonarole ne fut ni un saint ni un catholique au sens plein du mot. Cette opinion s’est présentée sous des formes très différentes.

a) On a fait de Savonarole un précurseur du protestantisme, cela depuis Luther, qui publia, en 1Ô23, l’explication du Miserere composée par Savonarole dans sa prison et lui donna le titre de martyr, disant : << Le Christ le canonise par notre intermédiaire », jusqu’aux protestants qui ont placé l’image du moine sur le monument de Luther à Worms(1868).

b) On a salué en lui une sorte de saint « laïque », un défenseur de la liberté civile contre la tyrannie et, contre Rome, de la liberté de conscience ; c’a été le cas, par exemple, de Micuelet.

c) Ou, àl’extrême opposé, des sceptiques, des rationalistes ont vu en Savonarole un imposteur, un fanatique, un fou. P. Baylk, Dictionnaire historique et critique, 6e édit., Baie, 1741, t. IV, p. 1 48-160, sous couleur de « faire quelques recueils sur ce qui a été dit pour ou contre ce dominicain », le montre sous les traitsd’un imposteur baset ridicule. C. Lombroso, L’uomo digeniotb* édit., Turin, 1888, p. 276 sq., l’inscrit parmi les génies déments ; cf. encore son Due tribuni studiati da un alienista, Rome, 1 883, p. U7-102.

d) Des catholiques ont nié l’orthodoxie de Savonarole. Tel le franciscain François dk Pouille, qui. prêchant contre lui, à Santa-Croce de Florence, pendant le carême de 14 (, )8, le qualifia d’hérétique, schismatique, faux prophète, et lui jeta le déli d’entrer dans le feu pour prouver la vérité de sa doctrine. Tel encore Jean François Poc.c.io Iîracciolini, chanoine de Florence et le plus jeune lils du trop fameux Pogge, qui écrivit un Contra fr. llicronymum luit 1 esiarcham libellai, imprime, , à Rome, sans date et, en 1’rjS, à Nuremberg. Tel, parmi les Dominicains, le bouillant Ambroise Politi (Catliarin), Discorso contra la dottrinae le projette di fia Girolamo Savonarola, Venise, 1548. Dan » sa réaction vigoureuse contre tout ce qui, de près ou de loin, pouvait paraître favoriser la Réforme, Paul IV soumit à une commission spéciale (155g) les écrits de

Savonarole ; « c’est un nouveau Luther, disait-il, et sa doctrine produit la mort ». La commission fut moins sévère que le pape ; mais, pressée par lui, elle interdit, donec emendati prodeant, 15 sermons du moine et son Dialogo delta verità profetica.

e) Enfin nombre de catholiques, tout en admettant que Savonarole voulut être orthodoxe, font de graves réserves sur son compte. Ici bien des nuances, qui vont du blâme énergique à une admiration très vive ; mais, à tout prendre, on s’accorde à dire que Savonarole ne fut ni un hérétique, ni un saint, ni un véritable homme politique. Qu’il suffise de mentionner Pastor parmi les plus sévères, et, parmi les plus bienveillants, A. Léman, Savonarole et Alexandre VI, dans la Revue pratique d’apologétique, 15 septembre 1920, p. 5-24 B. Savonarole fut un saint ou, du moins, quelques RÉSERVES DE DÉTAIL QU’ON DOIVE FAIRE, UN CATHO-LIQUE au sens plein du mot. C’est ce qu’ont admis, avec d’innombrables variantes :

a) Des saints. — Il n’y a pas lieu de s’arrêter à une lettre de saint François de Paule, réellement prophétique si elle était authentique : elle fut à peu près sûrement l’œuvre d’un faussaire. Mais les quatre bienheureuses dominicaines Colombe de Rieti (f 1001), Lucie Rucellaï (7 1520), Catherine db Racconigi (f 1547) et Maria Bagnes (f 1677) furent dévotes à Savonarole. De même saint Philippe dk Néri (f 15g5) et sainte Catherine db Ricci (f 158y).

b) Des papes. — Sans insister ni sur le mot très douteux de Paul 1Il déclarant qu’t il tiendrait pour suspect d’hérésie quiconque oserait en accuser Savonarole », ni sur le double fait que Jules II, dix ans après la mort de Savonarole, permit ou voulut que Raphaël installât le moine, dans la Dispute du Saint-Sacrement, en compagnie des plus illustres docteurs de l’Eglise, et que Michel-Ange put le mettre dans le Jugement dernier, à la chapelle Sixtiae, notons que Clément VIII, d’une famille attachée à Savonarole, songea sérieusement à le canoniser, et que Benoît XIII et Clément XIII ne souffrirent pas que le culte voué par elle à Savonarole fût un obstacle à la canonisation de Catherine de Ricci.

c) Des catholiques qui lui ont voué un culte. — Les saints nommés ne furent pas les seuls à honorer le frère. Son culte s’affirma de bonne heure, surtout à Florence, mais aussi à Ferrare et ailleurs, dans une partie de l’ordre dominicain, le clergé et le peuple, par des écrits, des images, des invocations, des récits de miracles qu’on lui attribuait, la diffusion de ses œuvres, l’estime qu’on avait pour ses reliques. Un ollice fut composé en son honneur, vers 1600, dans lequel on l’appelait « saint, martyr et prophète ».

d) Des catholiques qui, sans lui vowr un culte, ont af firme la sainteté de Savonarole. — Le culte baissa quand apparut illusoire l’attente de la canonisation sousle pontifical deClément VIII. En revanche, l’opinion dominicaine, jusque là généralementrcuervéeou même hostile, tendit à devenir déplus en plus favorale à Savonarole. Qubtif, Vita H. /’. Il’. Savonarolae aulhore Joan. Franc. Pieu Mirandulæ Concordiæque principe notis accurata addilionibus insuper attela et illustrala, Paris, 1074, fut un de ceux qui marquèrent le plus fortement l’orientation nouvelle. Il avait clé devancé par des écrivains de son ordre, notamment par J. DB Réciiac, Vies des saints canonisés et des béatifiés de l’ordre des Frères Prêcheurs, Paris, 1647, t. ii, p.83cS-io43. Auxvm’siècle, il fut suivi, entre autres, par Nokl Alexandre, Hist. eccles., édit. Roncaglia-Mansi, Venise, 1778, t. IX, p. 22, qui dit Savonarole sanctilate vitae, doctrina, propheliæ dono, miraculis insignem, cf. p. 1.’"$ 7, et,