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SLAVES DISSIDENTES (EGLISES)

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dogmatiques entre les Grecs et les Russes, sans parler des divergences rituelles et disciplinaires. Mais on ne peut tout dire dans un article. Contentons-nous de signaler la reconlirmation des apostats, pratiquée par l’Eglise grecque et ignorée de l’Eglise russe ; l’administration de l’extrême-onction aux bien portants, admise dans la première et prohibée par la seconde ; l’onction des tsars, considérée par les théologiens russes comme un degré supérieur du sacrement de confirmation, et par les Grecs comme un simple sacramental.Quen’ont pas écrit les Grecs contre les Latins, à cause de l’addition au symbole du mot Filioque, abstraction faite de la doctrine qu’il exprime ? Cependant les Russes tolèrent chez leurs Uniales ou Edinoviertsy l’addition au même symbole de l’adjectif verum. Qu’en dirait Marc d’Ephèse, lui qui pendant quatorze sessions du concile de Florence batailla contre le simple fait matériel d’une addition quelconque ?

III. L’Eglise russe comparée â l’Eglise catholique. — Nous n’avons pas à raconter ici les relations de l’Eglise russe avec l’Eglise romaine à travers les siècles. L’histoire de ces relations a été excellement écrite par le P. Pierling dans les cinq volumes qu’il a publiés sous le titre général : La Russie et le Saint-Siège, Paris, 18961912, et par son continuateur, le P. Boudou : Le Saint-Siège et la Russie : leurs relations diplomatiques au xixe siècle (1814-1883), 2 vol., Paris, 1922-1923. D’ailleurs, peut-on parler réellement de relations de l’Eglise russe avec n’importe quelle autre Eglise ? Les rapports, les pourparlers avec les Etals ou les Eglises, ont été entretenus non par l’Eglise russe elle-même, mais par le gouvernement russe, qui s’est toujours substitué à elle pour les relations avec l’étranger. Notre intention, dans ce paragraphe, est d’établir un court parallèle entre l’Eglise catholique et l’Eglise russe, du point de vue des notes de la véritable Eglise. On ne peut nier, en elTet, que de toutes les Eglises dissidentes d’Orient ou d’Occident, l’Eglise russe, telle qu’elle était constituée avant les récents événements, se présentât comme la principale rivale de l’Eglise catholique. Mais il nous faut auparavant tirer au clair une question préjudicielle : L’Eglise russe est-elle séparée officiellement de l’Eglise catholique ? Est-elle vraiment schismatique ?

Certains écrivains catholiques du dernier siècle ont cru pouvoir répondre négativement à la question. Le P. Gagabin favorisait cette thèse dans sa brochure : La Russie sera-t-elle catholique ? Paris, 1856. Lacordairh a écrit : « La Russie est catholique à son insu : elle n’est pas et n’a jamais été schismatique de son gré, comme il en a été de l’Eglise d’Orient (entendez : l’Eglise grecque proprement dite) ». Cf. Revue des Eglises unies d’Orient, t. III, Paris, 1885, p. 462. En parlant ainsi, le grand orateur se faisait l’écho du Russe Kirhibvskii, qui publia à Paris, en 1859, une brochure intitulée : « La Russie est-elle schismatique ? Aux hommes de bonne foi par un Russe orthodoxe ». L’exil, que lui attira cette publication de la part du gouvernementrusse, dut éclairer Kireievskii sur la faiblesse de sa thèse. 1. Vladimir Solovirf a paru la reprendre à son compte, lorsqu’il a écrit :

« La Russie n’est pas formellement et régulièrement

séparée de l’Eglise catholique : elle se trouve, sous ce rapport, dans un état indécis et anormal.

1 La me me thèse a été soutenue, par rapport ù l’Eglise prôco-ruise en général par Pitzipios, L’Église orientale, Puris, 1855 ; par Van CalORN, La question religieuse chez les Crect, dans la lïevue Bénédictine, t. VIII (1891), p. 121.

éminemment favorable à l’œuvre de la réunion. » Article publié dans F univers, 18 septembre 1888. Mais il dissipait l’équivoque qui se cachait sous ces lignes, en disant dans son tract l’Idée russe, Paris, 1888 : « L’institution officielle qui est représentée par notre école théologique, et qui maintient à tout prix son caractère particulariste et exclusif, n’est pas, certes, une partie vivante de la vraie Eglise universelle fondée par le Christ. Une Eglise qui fait partie d’un Etat, d’un royaume de ce monde, a abdiqué sa mission, et devra partager la destinée de tous les royaumes de ce monde. » C’est qu’en effet, il ne faut pas confondre la Russie, ou le peuple russe pris dans son ensemble, avec l’Eglise russe. La masse du peuple russea pu n’adhérer au schisme que matériellement, sans commettre le péché de schisme ; ma. s l’Eglise russe, prise comme société religieuse ayant son organisation et sa hiérarchie particulière, vivant séparée de l’Eglise catholique et de son chef, enseignant officiellement et faisant enseigner une série de doctrines formellement condamnées comme des hérésies par l’Eglise catholique, mérite non seulement l’épithète de schismatique, mais aussi celle d’hérétique. Car qu’est-ce qu’une Église schismatique, sinon celle qui mène une vie séparée de l’Eglise catholique et rejette la juridiction du Pontife romain ? Qu’est-ce qu’une Eglise hérétique, sinon celle où l’on enseigne des hérésies ? Prétendre, comme on l’a fait, que l’Eglise russe n’a pas rompu formellement l’union de Florence, souscrite en son nom par le métropolite Isidore de Kiev, c’est ignorer totalement l’histoire de cette Eglise. t

L’union de Florence n’a pas été rompue par l’Eglise moscovite, pour la bonne raison que cette union n’ajamais été reçue dans les possessions des grands kniazes de Moscou. Avant comme après Florence et jusqu’en 1667, les Moscovites ont rebaptisé les catholiques qui voulaient faire partie de leur Eglise. Après cette date et depuis que la métropole de Kiev, où l’union fut acceptée pendant quelque temps, a été incorporée à l’Eglise russe, les catholiques entrant dans le bercail du Saint-Synode n’ont plus été rebaptisés, mais on a exigé d’eux une profession de foi détaillée et une abjuration explicite des erreurs romaines. Le cérémonial actuellement en usage pour la réception des catholiques commence par ces mots : « Veux-tu renoncer aux erreurs et aux faussetés de la confession latine romaine ? » Parmi ces erreurs et faussetés, sont signalées explicitement la procession du Saint-Esprit, du Père et du Fils, la primauté et l’infaillibilité du pape. Voir ce cérémonial dans A. von Maltzrw, Die Sakramentc der orih, -katholischen Kirche des Morgenlandes, Berlin, 1898, et L. Pktit, L’entrée des Catholiques dans l’Eglise orthodoxe, dans les Echos d’Orient, t. II (1899), p. 1 36- 137.

Pour démontrer que l’Eglise russe n’est pas la véritable Eglise, il suffit de la comparer à l’Eglise catholique sous le quadruple rapport de l’unité, de la sainteté, de la catholicité et de 1 apostolicité. Comme Jésus-Christ n’a fondé qu’une seule Eglise et que, parmi les Eglises dissidentes, l’église russe a été jusqu’à ces dernières années celle qui faisait meilleure figure en face de l’Eglise catholique, si nous établissons que celle-ci l’emporte incomparablement sur celle-là sous les quatre points de vue indiqués, il sera clair que l’Eglise russe est à ranger parmi les Eglises fausses, qui ne peuvent revendiquer légitimement Jésus-Christ pour fondateur.

i° L’unité. — Pour montrer que l’Eglise russe ne possède pas la note d’unilé, on trouve dans certains manuels d’apologétique catholique un argument qui