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SLAVES DISSIDENTES EGLISES)

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ne porte pas. En voici la formule : « Il y a dans l’Eglise russe d- nombreuses sectes, qui ne s’entendent pas entre elles sar plusieurs points de doctrine. Donc cette Eglise ne possède pas l’unité de foi. » L’argument ne prouve pas, car les sectes russes ne font pas davantage p : irtie de l’Eglise russe officielle, telle qu’elle existait sous le régime des tsars et c’est de celle-là qu’il s’agit — que les multiples sectes protestantes n’appartiennent à l’Kglise catholique. Un théologien moscovite pourrait rétorquer l’argument en ces termes : « De multiples sectes désignées sous le nom général de protestantisme sont nées, depuis le xvi s.ècle, au sein du catholicisme occidental et ont détaché de l’Eglise oflicielle, gouvernée par l'évêque de Home, un nombre considérable de fidèles. Donc l’Eglise catholique ne possède pas la note d’unité, t Certains des nôtres corroborent ce premier trait en ajoutant que plusieurs ecclésiastiques russes ou grecs, parmi les plus instruits, sont imbus de protestantisme ou de raliona lisme. Mais ces ecclésiastiques sont aussi impuissants à dépouiller leur Eglise de la note d’unité, que le sont tels de nos modernistes occidentaux à en priver l’Eglise catholique. H y a mieux que cela à faire valoir contre l’unité doctrinale de l’Eglise russe. Tout d’abord, cette Eglise est en désaccord sur plusieurs points dogmatiques avec l’Eglise grecque proprement lite, comme nous l’avons suffisamment établi dans le second paragraphe de cet article. De plus, cette Eglise, par les manifestations officielles de sa croyance, et non pas seulement p.ir la voix de ses théologiens considérés comme docteurs privés, s’est donné à elle-même plus d’un démenti doctrinal, au cours de son histoire ; en d’autres termes, elle a varié dans sa foi. Donnons quelques exemples :

I » Le concile de Moscou de 1620 prescrit de rebaptiser les Latins et les Protestants ; celui de 1666-1667 reconnaît la validité du baptême des Latins catholiques, mais non leur confirmation, ni le baptême des Protestants. En 1718, on cesse de rebaptiser les Protestants, et en 1737, de reconlirmer les apostats tombés dans l’infidélité : ce qu’on pratiquait auparavant ; 2 Jusqu'à la un du xvne siècle, c’est-à-dire

: us qu’au concile de Moscou de 1690, les Russes méridionaux, tout comme les Moscovites, enseignaient

comme une doctrine de foi, consignée expressément dans les catéchismes, les manuels de théologie, les livres liturgiques (même ceux que corrigea Nicon) et approuvée par plusieurs conciles et plusieurs patriarches : que la transsubstantiation s’opère par les paroles du Seigneur, et non par l’invocation dite epidèse. Depuis le xvm* siècle, on a dit adieu à ce dogme pour adopter l’opinion grecque ; 3° Jusque vers le milieu du xviii<= siècle, l’Eglise russe croit, d’accord avec l’Eglise grecque, à l’inspiration des livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament. A partir de cette époque, elle fait sienne la négation protestante. Celle-ci est enseignée dans son catéchisme officiel, le catéchisme de Philarèle. Par ordre du Saint-Synode, l’ancienne croyance a été rayée de la Lettre des PaIrifrchfs d’Orient on Confession de foi de Dosithée ; 4°-aujourd’hui, l’Eglise russe enseigne qu’il y a deux sources de la Révélation : l’Ecriture sainte et la Tradition ; que les conciles œcuméniques sont absolument infaillibles, et que la foi sans les œuvres ne sutlit pas pour la justification. Pendant près d’un siècle, et jusqu’en 1836, le Saint-Synode a enseigné et fait enseigner que VEcriture suinte était la règle unique et romplètrment suffisante de la foi et de la '/retienne et la seule mesure de la vérité ; que les conciles œcuméniques ne jouissaient que d’une infaillibilité relative et pas absolument irréformable ; que la justification s’opère par la seule foi dans les

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mérites de Jésus-Christ ; 3* Dans ces derniers siècles, l’Eglise russe a inventé un nouveau sacrement, ou si l’on veut, un degré supérieur du sacrement de confirmation, à savoir l’onction des tsars, qui se fait avec le saint chrême en prononçant les paroles sacramentelles : Sceau du don du Saint-Esprit. Le dimanche de l’Orthodoxie, d’après un oflice spécial inauguré sous Catherine II, on dit un triple anathème » à ceux qui pensent que les empereurs orthodoxes ne sont pas élevés au trône par une bienveillance spéciale de Dieu, et qu’ils ne reçoivent pas l’infusion des dons du Saint-Esprit pour l’accomplissement de leur charge, lorsqu’ils sont oints du chrême. » Nous pourrions ajouter encore plusieurs autres autres variations ou innovations dans l’ordre de la doctrine, sans parler des changement s dans la forme du gouvernement ecclésiastique suprême.

2 La sainteté. — Si nous passons à la note de sainteté, il ne sutlit pas, pour en découronner l’Eglise russe, de faire appel au cliché du pope ivrogne et autres misères semblables, qui peuvent se rencontrer, à un moment donné et dans une mesure plus ou moins grande, dans n’importe quelle Eglise, même dans la vraie. L’apologétique de dénigrement neconduit à aucun résultat appréciable, parce qu’elle laisse la riposte trop facile. IL faut établir la comparaison par rapport au positif du bien et de la vertu. Où y a-t-il les moyens de sanctification les plus abondants et les plus efficaces ? Où trouve-ton plus d’héroïsme surnaturel, plus de vertu éclatante et bienfaisante ?Où les marques les plus certaines de l’intervention et de l’approbation divines ? Sans vouloir esquisser ici une démonstration complète, qui réclamerait un volume, donnons quelques indications utiles.

A. Sainteté des moyens. — Le premier moyen de sanctification est la vérité révélée. Privée en fait de tout magistère infaillible, l’Eglise russe est exposée à se tromper sur la partie du dépôt révélé qui n’a pas é'é définie par les sept premiers conciles œcuméniques. De là ses variations doctrinales, dont nous avons signalé quelques-unes. On est même allé jusqu'à mettre en doute l’infaillibilité des conciles œcuméniques. Pour montrer l’incapacité de cette Eglise à faire la moindre acquisition doctrinale définitive en dehors des définitions des sept conciles, rappelons qu’en io, o3 le hiéromoine Tarasii a publié à Pétersbourg, avec l’approbation de la censure ecclésiastique et des rédacteurs du Missionerskoe Obozrênié (Revue des Missions), un opuscule intitulé : La théologie des Grands- liasses et des Petits-Russiens aux xvie et xvn c siècles, dans lequel il attaque le septénaire sacramentel comme une importation latine, et refuse le caractère de sacrement au mariage, tandis qu’il l’accorde à l’habit monastique et à la cérémonie des funérailles. La théologie russe officielle de nos jours rejette des vérités révélées dont la portée morale et sanctificatrice n’est pas petite, à savoir : i° l’existence d’une peine temporelle satisfactoire. due au péché pardonné dans le sacrement de pénitence, et, par voie de conséquence logique, le dogme du purgatoire : on est réduit à enseigner la délivrance de quelques damnés par les prières de l’Eglise ; 2 l’indissolubilité du mariage. Avant Pierre le Grand, l’Eglise russe se conformait à la pratique byzantine, et admettait une vingtaine de causes de divorce. Un grave abus s'était, de plus, introduit en Moscovie : tout prêtre pouvait délivrer aux époux qui le demandaient un billet de divorce, et tout higoumene pouvait dévouer à la viereligieuse l’un des conjoints en lui coupant les cheveux, si l’autre conjoint présentait les ciseaux pour TopéraI tion. Dans la Russie méridionale, sévissait le divorce

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