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THEOLOGIE MORALE

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assez peu du probabilisme modéré et sagement limité (voir art. cité, c. 320 sq.). Telle quelle, son oeuvre a reçu la plus haute des consécrations : l’approbation de l’Eglise (Décret de la S. C. des Rites, 18 mai 1803 sur ses écrits, Réponse de laS.Pénitencerie, 3 juillet 1831, cf. Bouquillon, Theol. Fund. 3* édit., p. /|6.)

Sans se porter garant de la vérité de toutes ses solutions, l’Eglise les a déclarées sûres, exemptes de dangers.

El elle lui a décerné le titre, peu prodigué dans les temps modernes, de docteur (Pib IX, 23 mars 1831).

Saint Alphonse est ainsi devenu désormais, avec saint Thomas (dont s’inspire surtout l’exposé des principes), le grand martre delà théologie morale.

G) Au xixe siècle, celle-ci, reprenant vie après la tourmente de la Révolution française, a marché dans le sillage de ces deux maîtres.

Les ouvrages de notre temps, qui traitent de cette science, peuvent être divisés en deux groupes :

a) les uns restent plus complètement conformes à la manière de saint Alphonse, gardent ses cadres (les commandements) et la division traditionnelle des traités ; ils sont plus strictement casuistiques.

Ainsi ceux des Jésuites Gury (mort en 1866 ; son Compendium a été le noyau de toute une littérature : , BalleRlNI, 1881 (son « Opus morale », publié après sa mort par le P. Pai.mii- ri, reste, en cette matière, l'œuvre la plus considérable du siècle), GÉNICOT 1900, BucC’RONi 1918, NoldiN 1923, Cappbllo… — des Rédempiorisies Koninos 1881, Mabc 1887,.Ertnys 1915, — des Sulpiciens Carrière 1864. Vincent 1904 (Théologie dite de Clermont), — des cardinaux Goussht 18C6 et d’Annibale 1892, — des abbés Uaine 1900, BÉrardi, Alberti…

h) D’autres, tout en faisant une place importante à la discussion des cas (c’est nécessaire pour l’enseignement des séminaires et la préparation des confesseurs), font plus appel à saint Thomas, développent davantage les principes, se préoccupent mieux de montrer les connexions avec l’ascétique ; ils préfèrent le cadre plus ample des vertus à celui des commandements.

Parmi eux citons : Mgr MUller 1888, le P. Lehmkuhl S. J., 1918, Simar 1902, Tanquerey S. S. (auteur adopté dans la plupart des séminaires français), le P. PrUmmer O. P., le P. Vermerrsch S. J.

Le titre de l’ouvrage que ce dernier a publié en 1922, indique bien cette tendance : « Theologiæ moratis principia, responsa, consilia. »

Gomme au xvne siècle, des résumés s’efforcent de condenser les doctrines et de présenter les solutions sans exposer les preuves et les discussions ; — les plus connus sont les petits ouvrages du Cardinal Vives, des P. P. Matharan-Castii.lon, PrUmmer, Ferheres, de Tanquerf.y-QuÉVAstre, surtout le Summarium du P. Ahiikgui.

Pour aider l’enseignement, des recueils d’exercices, donnant des séries de cas et proposant des solutions, ont été composés [Casu.t comcientiæ de Gury, de Lehmkchl, de GiSnicot-Svlsmans…).

II) Dès le moyen âge, le Droit canonique existait indépendamment de la théologie morale : il présentait et commentait les décrets des Conciles et les décisions des Souverains Pontifes ; il dégageait les coutumes ecclésiastiques ; son objet propre était la législation de l’Eglise. On voit donc en quoi il se distingue de la théologie morale, qui lui emprunte ses résultats et discute leur usage au point de vue de la conscience.

Au début du xxe siècle, il a reçu du Saint-Siège un Code précis et clair (promulgué en 1917) : ce Code a apporté à la théologie morale, en particulier dans

les matières sacramentelles, des lumières et des directions précises. (Cf. Cimrtibr, Pour étudier le Code de droit canonique, 1927, Introduction).

Presque aussi vieille que le droit canon, la liturgie a pour domaine propre les rites et les pratiques publiques et officielles du culte : la théologie morale utilise également ses conclusions.

Au xviii* siècle, le développement du droit naturel a amené les écrivains catholiques à traiter de plus près et en dehors des considérations théologiques les questions de philosophie morale : la matière de cettephilosophie est la même que celle de la théologie morale ; mais elle n’y est étudiée que par la seule raison et dans l’ordre naturel. De telles études servent à la théologie morale, qui les complète et les couronne par la considération de l’ordre sur.naturel. Il en est de même des travaux séparés de philosophie sociale, que les nécessités présentes et les enseignements des Papes, spécialement de Léon XIII, ont beaucoup multipliés ces derniers temps.

Eniin, à partir de ce même xvih" siècle, on a commencé à réunir et à traiter à part certains points, qui concernent le ministère pastoral du prêtre ; la matière de la théologie pastorale, ainsi constituée, rentre pour une grande part dans celle de la théologie morale ; elle ne s’en distingue que par les détails pratiques plus poussés, où descend la pastorale, et par l’adjonction de certaines questions qui concernent davantage l’administration des paroisses et les œuvres d’apostolat.

4. Telle qu’elle se présente en notre xx 8 siècle, on peut donc reconnaître à la théologie morale les caractères particuliers suivants :

A. Par son but et son objet, elle est nettement traditionnelle et progressive, pénitentielle et, si l’on peut dire, obligationniste.

Elle s’appuie sur la tradition chrétienne, prétend n'être qu’une explication, une systématisation, une application aux circonstances changeantes, de la morale révélée. Ses grandes vérités sont fixes et elle entend bien n’avoir pas à les remettre en discussion ; elle est un effort qui se continue dans un même sens et dans de mêmes cadres. Mais cet effort n’est jamais achevé : les principes euxmêmes peuvent être mieux formulés et plus fortement enchaînés ; des applications nouvelles sont toujours à chercher pour des conditions de vie qui sans cesse évoluent.

Son histoire montre qu’elle s’est constituée surtout dans le but d’aider le confesseur dans son office de juge. De là une limitation assez stricte de son objet. Elle aurait pu retenir toute la morale chrétienne : afin de mieux préciser, elle se borne a étudier les vertus ordinaires, les commandements, les péchés, surtout les péchés graves 1 ; ce sont ces derniers qui doivent être soumis à l’absolution du prêtre. Le reste — la partie la plus liante delà morale, la perfection et l’idéal — est la matière de l’ascétique et de la mystique, La théologie morale n’en méconnaît ni l’intérêt, ni la nécessité pour le pénitent et pour le directeur ; mais elle n’en fait point son affaire ; pourelle, elle se contente de définir le strict devoir : d’un mot un peu barbare, mais qui exprime bien ce que nous voulons dire, on peut l’appeler <c obligationnist" ».

P ». Par sa méthode, tout en restant théologique, elle s’est faite rationnelle et casuistique.

Elle reste théologique parce qu’elle fait de la révélation sa source principale et s’aide de la foi, parce qu’elle

1. Outre les commandements et les vertus, la théologie morule traite des moyens de sanctification et spécialement des sacrements, des peines ecclésiastiques, des indulgences… Mais là encore elle envisage l’usage ordinaire plus que l’utilisation parfaite de ces moyens et se préoccupe avant tout des fautes que cet usage peut occasionner.