Page:Aeschylus - Agamennon ; Les Choephores ; Les Eumenides, 1925.djvu/18

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n’est pas en le morcelant qu’on analyse un amalgame.

Les éléments du récit homérique.

Celui-ci toutefois est assez grossièrement fait pour qu’on puisse, rien qu’à l’œil, essayer d’y reconnaître les teintes propres à quelques-uns de ses éléments. La teinte dominante est la teinte « mycénienne ». Elle est à fond d’or : ce sont les trésors d’Agamemnon qui, dans cette forme de la légende, sont le centre du décor — ces trésors fameux de « l’opulente Mycènes » (πολυχρύσοιο Μυκήνης), qui, dans la scène finale, viennent encore s’accroître de tout l’or troyen que les vaisseaux de Ménélas apportent aux rives d’Argolide (γ 312). Égisthe est le héros du récit. C’est un aventurier hardi et tenace, qui veut le pouvoir et l’or, et, pour les obtenir, méprise même les avertissements du Ciel. Il est ainsi l’artisan de sa perte et ajoute par sa folie aux peines que le Destin lui avait réservées (α 33 suiv.). Clytemnestre au contraire n’est qu’une femme « honnête » (γ 266), mais sans volonté. Elle ne prend pas de part au meurtre d’Agamemnon[1]. Quand Oreste revient en vengeur, il n’a donc pas à la frapper. Le seul criminel, c’est Égisthe, qui a volé la femme de son roi, en même temps que son trône et ses richesses. Ce qu’a d’odieux la situation de Clytemnestre, épouse du meurtrier d’Agamemnon, disparaît dès qu’a succombé le coupable : la mort d’Égisthe justifie Clytemnestre. Elle rentre dans le gynécée, où elle vieillit respectée, comme Hélène dans le palais de Ménélas. Si ce dénouement ne nous est point formellement attesté, il est du moins celui qui s’accorde le mieux avec les autres données de la légende primitive, celui aussi qui nous fait le mieux comprendre pourquoi, dans l’Odyssée[2], hommes et dieux célèbrent à l’envi, sans un mot de réserve, la vengeance d’Oreste.

Mais, à côté de cette Clytemnestre, dont le rôle est entiè-

  1. Cf. γ 194 et δ 529, où le guet-apens est donné comme l’œuvre du seul Égisthe.
  2. Voyez surtout α 298 suiv.