Page:Affaire des déportés de la Martinique, 1824.djvu/165

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le secret et dans l’ombre ; des formes protectrices de l’innocence sont établies devant les tribunaux, et des administrateurs n’en observent aucune. Ne pas observer ces formes, a dit le plus ancien de nos criminalistes, c’est force, c’est violence, c’est tyrannie.

En un mot, Messieurs, c’est la justice que nous invoquons contre le pouvoir arbitraire quel qu’il soit.

Un article a paru dans le Moniteur du 8 juillet, dont on pourrait induire que les décisions émanées du gouvernement de la Martinique, sous les dates des 27 décembre 1823, 5, 16 et 25 janvier, et 5 février 1824, seraient des mesures purement administratives.

Mais, Messieurs, un article du journal n’est point une pièce officielle ; vous ne pouvez pas y ajouter foi, et motiver un arrêt sur ses allégations ; car personne n’est responsable de la fidélité de ces articles, et la liberté des hommes est trop précieuse pour qu’on s’en joue à ce point.

Vous et nous ne connaissons encore qu’un fait : c’est l’existence matérielle de la déportation ; quant aux jugemens qui la prononcent, vous ne pourrez les apprécier que quand ils auront été rapportés en forme officielle, et quand nous-mêmes nous aurons été mis à portée d’en examiner la légalité.

Nous verrons alors si nous pouvons proposer les moyens d’incompétence contre la juridiction qui a jugé, faire valoir l’excès de pouvoir, résultant de l’adjonction de plusieurs juges, si le récit qu’on nous en a fait est vrai ; l’absence de témoins, d’actes d’accusation, de défense, l’absence du corps de délit ; en un mot, la violation de toutes les formes de la justice criminelle et de la raison.

Jusqu’à cet apport de pièces, que nous souhaitons de votre justice, toute discussion serait prématurée.

J’entends que l’on me dit : Mais l’autorité qui a prononcé, n’est pas un corps judiciaire, dont les actes ressortent à la Cour de cassation.

Messieurs, votre juridiction souveraine plane sur tous les tribunaux d’exception. Vous avez succédé à l’ancien conseil ; eh bien ! le conseil d’État connaissait des jugemens de compétence rendus par les prévôts des maréchaux, ou les commissions du conseil, etc.

Quand on a voulu exclure le recours en cassation, on l’a dit par une loi formelle comme pour les jugemens de la haute cour. La loi du 21 fructidor an 4, porte que le recours en cassation est admis contre les jugemens des commissions militaires, pour incompétence et excès de pouvoir.

Une loi du 13 thermidor an 7 (non abrogée) a étendu votre juridiction à tous jugemens rendus par les tribunaux maritimes, cours martiales, conseils de justice, tribunaux révo-