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C’est au ministre de la marine qui n’a aucun pouvoir judiciaire de révision que l’on doit adresser l’expédition de la délibération de déportation.

Cette délibération n’a pas même besoin d’être motivée ni sur un délit matériel, ni sur une preuve requise, ni sur un texte de loi.

À tous ces traits on ne peut reconnaître une condamnation légale, parce qu’on n’y peut découvrir aucun des caractères du jugement ; mais on y voit très-clairement un acte du pouvoir arbitraire qui agit sans formes parce qu’il se sent dans l’impuissance de convaincre celui qu’il soupçonne ; qui opère sans publicité, parce qu’il ne pourrait supporter la critique ; qui frappe sans écouter, parce qu’il reçoit l’impulsion de sa propre irritabilité ; qui sacrifie tout à la peur, parce qu’il n’y a rien de si ombrageux que l’arbitraire.

Ce terrain colonial que l’on veut mettre hors du droit commun, on ne peut le placer hors des limites de la raison, en changeant les notions les plus vulgaires, en oblitérant les lumières du simple bon sens. Or, il faudrait opérer celle subversion totale du sens commun, pour qualifier de condamnation légale une déportation décidée sans jugement.

S’il n’y a pas de condamnation légale, il ne peut y avoir privation d’aucun des droits civils. L’effet ne peut se concevoir sans la cause.

Délibéré à Bourges, ce 26 août 1824.

H. DEVAUX.

MAYET GENÊTRY.

D. MATER.

DESEGLISE.

FRAVATON.

TURQUET, docteur en droit.

CHÉNON aîné.

THIOT-VARENNE.