Page:Agassiz - Études sur les glaciers, 1840.djvu/285

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naire, capable de maintenir, à des niveaux respectifs, entre deux eaux, les blocs qu’ils entraînaient dans leur cours ; il prétend expliquer ainsi la différence que l’on remarque entre les blocs de la plaine et des bords du lac de Neuchâtel et ceux des hautes sommités du Jura. Mais cette explication, comme on va le voir, suppose un concours de circonstances tellement extraordinaires, qu’elle ne peut exciter que de justes défiances. Il faudrait d’abord que l’impulsion qui a, dit-on, déterminé le courant que l’on postule, eût enlevé instantanément et simultanément des blocs à des niveaux très-différens (les granits qui se seraient détachés de la cime d’Orneix sont à 5 100 pieds plus haut que le niveau le plus élevé des poudingues de Valorsine) : il faudrait de plus que cette impulsion eût été d’une puissance dont il est impossible de se faire une idée, pour maintenir ces blocs de différens horizons géologiques dans leur direction première et les empêcher de se confondre au milieu des obstacles de toute sorte que le courant a dû rencontrer dans son trajet. Ne sait-on pas qu’avec les canons les plus justes, nos artilleurs ne réussissent pas à imprimer, même à de très-courtes distances, une direction parfaitement parallèle à plusieurs boulets tirés simultanément ? Et l’on voudrait que, par l’effet d’une impulsion, en tout cas bien moins précise, des blocs entraînés dans un milieu aussi mobile qu’un courant d’eau s’y fussent maintenus dans un parallélisme tel