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LA GRAND’MÈRE DE GILBERTE

« — Laisse-moi, » lui dis-je en la repoussant violemment. Et je me précipitai vers la porte, que j’ébranlai, autant que mes forces le permettaient, par des coups de poings et des coups de pieds.

« J’étais furieuse. Ginevra me regardait, saisie ; ses mains étaient pendantes, et ses yeux pleins de larmes me considéraient avec stupéfaction. François et notre bonne, qui était accourue au bruit, s’efforçaient de me calmer, mais rien n’y faisait. Je continuai à me débattre jusqu’à ce que mon père, abrégeant le dessert, eût donné le signal pour sortir de table.

« Aussitôt rentré au salon, il vint dans l’appartement où j’étais, et, prenant un ton que je ne lui avais jamais vu avec moi, il me dit :

« — Marguerite, cesse à l’instant ces cris et va te coucher. »

« J’obéis sans me rendre compte de cet empire que je subissais. Jusque-là, on n’avait jamais employé avec moi la sévérité ; mais mon caractère était devenu si indomptable qu’elle aussi était devenue nécessaire. Ginevra était terrifiée par l’accent et par le regard de mon père ; celui-ci s’en aperçut,