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LA GRAND’MÈRE DE GILBERTE

dire ; sans doute cette condamnation de ma pauvre sœur, ce sacrifice qu’il fallait faire lui brisait le cœur. Mais, pour moi, je n’écoutais plus rien, et je me mis, sans pouvoir m’en empêcher, à verser des larmes abondantes que j’aurais presque pu appeler des larmes de bonheur. Et pourtant, ne m’accusez pas d’égoïsme, mes pauvres enfants. Mais j’avais tant souffert depuis ces quelques semaines pendant lesquelles mon imagination enfantine m’avait fait croire, sur une simple parole, que je pouvais avoir été cause de la mort de ma sœur, que je me trouvai soulagée en apprenant que mon emportement n’y avait en rien contribué. Je remerciai le bon Dieu de toutes les forces de mon âme, et c’est alors que, retrouvant le calme de mon innocence, je lui promis de dompter à jamais cette vivacité qui avait failli me devenir si fatale. Je demeurai sur le balcon pendant toute la visite du médecin qui, du reste, ne fut pas très-longue ; et lorsque ensuite je me retrouvai avec ma sœur, je lui revins avec une figure si sereine, qu’elle me dit :

« — Marguerite, tu étais triste depuis quelque temps ; mais aujourd’hui, sans