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XXVI

amie ce qu’il venait d’écrire, et demandait avis et correction. Il s’excusait près d’elle de tout dire, et, pour lui plaire, émet- tait l’espoir d’éterniser par ses vers le souvenir de leurs amours.

Le poème devenait un volume ; son importance devait satis- faire la coquetterie la plus ambitieuse. Aussi Machault reçut-il d’Agnès la lettre ci-après :

« Mon très doulz cuer, ma douce amour et mon très chier ami, plaise vous savoir que je suis où vous savez ; et sachiez que quant il vous plaira à venir, vous y trouverez tel joie et tele douceur que vous pourriez penser et souhaidier, car j’ai em- prisonné Dangier et Malebouche, et si ay endormi Argus en tele manière, qu’il ne ha celli qui ja vous puisse grever de riens. Quant ce sera que vous venrez, je vous pri que vous prenes vostre ostel en l’ostel que vous saves, car il me semble que c’est le meilleur. Et voldroie bien, s’il pooit estre, que vostre secrétaire venist aveuc vous, et s’il ne puet estre, si amenés aveuc vous de vos gens, ceulz en qui vous vous fiez le mieulz. Et venez si secrètement que nuls ne sache rien de vostre venue, jusques à tant que je aurai parlé à vous. Et à. mon pooir le trésor sera deffermés avant qu’il soit nulle nou- velle de vostre venue, et si tost comme vous serez descendus en l’ostel dessus dit, si envoies par devers moi en l’ostel de ma mère aucun de vos gens, et par cellui m’escriviez vostre venue. Et s’il trouvoit en l’ostel de ma mère aucune personne qui li demandast dont il venist, qu’il deist qu’il venist de ma suer, , et qu’il m’aporte lettres de par elle.

« Mon trez doulz cuer, je vous pri que vous m’escrisiez vostre estât par ce message, et quant vous venrez par devers moi, adfin que je puisse mieulx estre avisée de mon fait. Car je pro- mets loiaulment que la plus grant cause pour quoi je sui venue où je suis, si est pour ce que je vous y porray veoir plus à loisir que aillours. Vostre très loiale amie (1) ! »

Cette lettre était conçue de manière à. donner au poète les espérances les plus riantes ; les précautions indiquées par Agnès semblaient lui promettre la réception la plus digne d’envie. La clavette paraissait devoir être enfin pour lui la clef du paradis d’amour (2).

(’I) P. 150.

(9) Titre d’un des lais d’Agnès.