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XXIX

de la princesse, à Machault un caprice de jeune fille coquette et malicieuse.

Gaston Phébus donnait à la royale damoiselle un nom, un riche domaine, une position princière ; il était d’une figure, d’un âge et d’une valeur personnelle, comme homme d’épée et comme homme d’esprit, à conquérir ses affections ; il les ob- tint, et bientôt il fut son fiancé. Pour lui furent évidemment écrites les tendres poésies de la jeune princesse ; elle y vante, dans celui qu’elle aime, des charmes et des mérites que Ma- chault n’eut jamais. C’était pour lui plaire qu’elle avait pris des leçons de littérature ; c’était à lui seul que devaient appartenir tous ces trésors du cœur et de l’esprit dont le poëte avait rêvé la possession.

Guillaume fit d’abord quelques efforts pour reprendre un ter- rain qu’il croyait avoir perdu ; il adressa quelques reproches en vers : on chante ce qu’on ne peut dire. Citons entre autres deux rondeaux, qui peignent assez bien les peines amoureuses de leur auteur :

Yoici le premier :

Se pour ce muir qu’amours ay bien servi, Fait mauvais servir si fait signour. Ne je n’ay pas, ce croy, mort desservi Pour bien amer de très loial amour ; Mais je voy bien que finir faut un jour, Quant je congnois et voy tout en appert, Qu’en lieu de bleu, dame, vous vestez vert (1).

Le vert, nous l’avons dit, cette riante couleur du printemps si chère aux amours, était aussi l’emblème de l’infidélité ; en mai tout se renouvelle, tout change. L’azur était au contraire l’emblème de la constance, de la fidélité sans tache. Le poëte fait une humble allusion aux rêves qui troublaient son sommeil.

Le second rondeau est plus fier : Machault se relève avec dignité et repousse le rôle ridicule qu’on lui fait jouer :

Se ne suy pas de tel valour, Dame, qu’à vous doye penser,

(4) P. 55.