Page:Agnès de Navarre-Champagne - Poésies, 1856.djvu/47

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XL

guéri sa foile passion ; et si ses avant-dernières pensées avaient été pour Agnès, les dernières furent pour le Dieu qui pardonne aux faiblesses humaines, sourit au repentir et rappelle à lui les âmes bonnes et généreuses.

Après sa mort, un jeune poète, son élève, son ami, chanta ses talents et ses vertus ; mais sa plume était mordante, et son es- prit audacieux ne respectait ni l’âge, ni le sexe, ni le rang, ni le malheur. Il écrivit une ballade railleuse, dans laquelle il demandait à la comtesse de Foix la permission de se dire, après la mort de Machault, son loyal ami. Cette ironie était peu généreuse : Gaston Phébus n’avait que trop vengé Machault. Les temps avaient cruellement marché pour Agnès ; elle n’était plus blanche comme lis, plus que rose vermeille. Les années, les malheurs avaient flétri ses charmes et sans doute éteint sa gaieté, ses goûts artistiques et sa verve poétique. Depuis longtemps, chaque année lui portait un coup cruel : en 1378 elle perdait sa royale parente, sa bonne protectrice. La reine Jeanne de Bour- bon mourait trop jeune pour avoir élevé ses fils dans les prin- cipes qui furent ceux de leur père, qui les auraient sauvés de la tyrannie des passions et eussent donné à la France de grands princes et des jours de gloire et de félicité. Agnès était près de la reine quand la mort vint la frapper. Ainsi marche la vie : au débuj, l’azur au ciel ; sur la terre, vert gazon, églantines et marguerites ; plus loin, l’horizon se couvre de nuages, et le sol d’épines et de ronces. Puis apparaissent aux bords du sentier l’immortelle, la fleur pâle, et la scabieuse, la fleur de deuil ; puis enfin, pour tous, après les beaux jours et les orages, après les agitations, les regrets et les douleurs, sonne l’heure du repos : l’homme a fait sa tâche ; Dieu lui tend la main et met un terme à son pèlerinage.

Les derniers jours d’Agnès sont ignorés ; elle finit sans bruit, et peut-être dans un repos chèrement acheté, son existence longtemps troublée. Froissart, qui consacre tant de pages à la gloire du comte de Foix, n’a plus une ligne pour la malheu- reuse mère de l’infortuné Gaston.

Nous n’avons pu remplir cette lacune, et cependant une des- cendante du comte de Champagne, une fille de nos rois, une dame de Foix, eut une tombe ; une épitaphe dut raconter à tous sa naissance, sa vie et sa mort. Mais tout passe ici-bas, et ce qui est et le monument de ce qui a été : la loi de mort frappe