Page:Agnès de Navarre-Champagne - Poésies, 1856.djvu/60

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Et li mener en estrange servage,

Mise en liens comme beste sauvage,.

Certes ce fu dure chose et piteuse :

Et si senti doleur si doloreuse

Que je croy bien qu’onques femme ne mère

Ne senti mal ne doleur plus amère.

Mais qui mettroit les X*plaies d’Egipte
Avec son mal, chose seroit petite,
Ce m’est avis, contre le mal que porte
Mes tristes cuers, qui tant se desconforte
Que riens qui soit ne li peut apporter
Chose de quoy il se puist conforter :
Et tout pour \ous, biaux, douz, loyaus amis
Amour ce mal dedens mon cuer ha mis.

Car quant je voy qu’il vous convient le mer (12)

Passer, amis, c’est le fiel, c’est l’amer,

Qui crèvera mon cuer, j’en suis certaine ;

Car vous irez en contrée loingtaine,

Où vous serez entre vos ennemis,

Que de vos grés faire seront remis 5

Dont vous arez mainte merancolie,

Lasse, dolence ! et je saroie lie !

Ce ne porroit avenir nullement

Que je eusse joie n’esbatement,

Ne riens nulle qui peust resjoïr
Mon dolent cuer, sans vous veoir n’oïr.

Et quant ainsi certainement saroie
Que vous n’ariez n’esbatement ne joie