Page:Agnel, Émile - Curiosités judiciaires et historiques du moyen âge - Procès contre les animaux.djvu/42

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capitainerie sont nombreuses et très-grandes et nuisibles, afin d’agrandir leur empire souterrain et de grossir leurs greniers, ont de telle façon miné les caves des frères en creusant la terre sous les fondations, que le bâtiment menaçait ruine. Et, ajoutant délit à délit, elles volèrent la farine que l’on y gardait pour l’usage quotidien de la communauté. Comme les multitudes ennemies étaient serrées et infatigables a toute heure de jour et de nuit,

Parnula, nam exemple est, magni formica laboris
Ore trahit quodcumque potest, atque addit acervo
Quem struit[1],


les religieux en vinrent à souffrir du besoin de la faim et à y chercher un remède ; et comme les moyens dont ils firent l’essai furent sans résultat, parce que l’accord dans cette multitude y fut un obstacle insurmontable, en dernier ressort, un religieux, mû par un instinct supérieur (chose que l’on peut bien croire), donna le conseil que, recourant à cet esprit d’humilité et de simplicité qui faisait que leur séraphique patriarche nommait frères toutes les créatures : frère soleil, frère loup, sœur hirondelle, etc., ils élevassent une action contre ces sœurs fourmis devant le tribunal de la divine Providence, et nommassent des procureurs tant pour les demandeurs que pour les défenderesses, et que leur prélat fût le juge qui, au nom de la suprême équité, eût connaissance du procès et décidât la cause.

« Le plan fut approuvé ; et après avoir tout disposé de la sorte, le procureur des religieux présenta une re-

  1. Horat, lib. I. sal. i.