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DANTE ET GŒTHE.

comme un salutaire avertissement, la fin lamentable du téméraire docteur, abominablement trompé par les ruses du diable.

Le sens de ces deux légendes est exactement le même. Malgré le mélange qui s’y introduit, comme dans presque toutes les créations du moyen âge et de la renaissance, d’éléments empruntés à la mythologie païenne, il est parfaitement chrétien. La vision de l’enfer, du purgatoire et du paradis, a pour objet de ramener par la certitude des récompenses et des châtiments éternels, par une salutaire frayeur et par une espérance vive, les âmes qu’ont entraînées au péché l’orgueil de la science et les concupiscences de la chair. La tentation de Faust, permise par Dieu comme la tentation de Job, et le voyage en enfer ne sont, dans la conscience populaire, autre chose qu’une exhortation à bien vivre.

C’est en prenant ces données, telles que les avait conçues le génie du peuple, que Dante et Goethe ont créé chacun un poëme d’une originalité inimitable, dont on peut prédire, à coup sûr, qu’il ne cessera jamais d’intéresser les esprits, à moins que, par impossible, les hommes ne cessent un jour de s’intéresser à ce qu’il y a ici-bas de plus divin tout ensemble et de plus humain : au mystère même de l’art dans ses rapports avec cet insatiable désir de l’infini, qui repose au plus profond de la nature humaine.

Voulez-vous que nous nous arrêtions un moment à considérer ce travail d’appropriation qui s’accomplit de la même manière dans la généreuse intelligence de