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PREMIER DIALOGUE.

Quant à la légende qui forme le cadre du poème de Gœthe, elle remonte, dans sa donnée générale du pacte avec le démon, au commencement du vie siècle ; mais elle ne devient essentiellement germanique elle ne prend le nom du docteur Faust que vers la fin du xvie en se rattachant tout à la fois à l’invention de l’imprimerie, considérée longtemps par le peuple comme une œuvre diabolique, et la Réformation, que la catholicité tout entière attribuait aux suggestions de Satan.

Le héros de la légende allemande (je laisse de côté celles qui se produisent dans le même temps en Angleterre, en Hollande, en Pologne) est un certain Jean Faust, qui mène avec lui le diable sous apparence de chien, qui procure par magie à l’empereur d’Allemagne ses victoires en Italie, et qui s’entretient longuement à Wittenberg avec son compatriote Mélanchton. C’est à ce docteur nécromant que se rapportent les peintures et les rimes que l’on voit encore aujourd’hui à Leipzig, dans la fameuse cave d’Auerbach. C’est ce Jean Faust qui se signe « philosophus philosophorum », qui figure dans les Sermons de table (Sermones convivales) des théologiens protestants ; qui devient, en empruntant quelques traits au Kobold du foyer domestique, le héros du théâtre des marionnettes, se répand en mille variantes par toute l’Allemagne, et dont l’histoire authentique paraît enfin imprimée à Francfort-sur-le-Mein, pendant la foire d’automne de l’année 1587. Une préface de l’éditeur l’offre en exemple à toute la chrétienté et lui présente,