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PREMIER DIALOGUE.
DIOTIME.

Le grand Dante, Viviane, c’était alors Dante da Maiano. Il était très-fameux, tandis que Dante Allighieri n’avait encore qu’une très-humble part dans la gloire. L’illustre Sicilienne, dont le monument se voit à Palerme, entre celui d’Empédocle et celui d’Archimède, ignorait peut-être jusqu’à l’existence du futur auteur de la Vita Nuova.

La renommée fait souvent de ces méprises. J’ai ouï conter à M. de Lamartine que, arrivant à Paris, jeune et plein de respect, il aspirait, sans trop oser y prétendre, à l’honneur d’approcher, mais d’un peu loin, dans quelque salon, le poëte fameux dont s’entretenaient alors la cour et la ville, l’auteur de Nimus ii, M. Brifaut. Lamartine se rappelait, non sans sourire, son émotion lorsque l’auteur tragique avait daigné lui faire, de son front couronné, une inclination distraite. Il en allait ainsi à Florence, Viviane. Ni plus ni moins que Dante da Maiano, Cino Sinibaldi et les autres « maîtres du doux style nouveau, » comme parle Dante, se sentaient assurément fort au-dessus de lui dans l’estime publique. Quant à Guido Cavalcanti, on ne lui reconnaissait point d’égaux ; on l’appelait « le Prince de la poésie amoureuse. »

VIVIANE.

Est-ce lui de qui Boccace raconte que le peuple de Florence, en le voyant passer rêveur, solitaire et dé-