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PREMIER DIALOGUE.

Avec la naïveté de ces jours de florissante jeunesse où l’esprit se confondait encore avec l’imagination, où toute pensée prenait figure, Dante ambitionnait de ceindre, dans ce beau temple de Saint-Jean où il avait reçu les eaux du baptême, la couronne de lauriers, « l’honneur des empereurs et des poëtes, » comme parle Pétrarque. Pour l’obtenir, il s’efforce de tout apprendre : il veut se mêler à tout, être le premier partout. Dans l’intervalle qui s’écoule entre sa première rencontre avec Béatrice et son exil, on le voit s’attacher à Brunetto Latini qui lui enseigne la science et la philosophie ; visiter les universités ; fréquenter l’atelier des peintres ; rechercher les sociétés élégantes, celle des femmes surtout, la conversation des poëtes et des artistes ; combattre « vigoureusement à cheval, nous dit Léonard Aretin, à la bataille de Campaldino, dans les rangs des guelfes, ses amis et ses proches ; se signaler au siège de Caprona ; participer activement aux affaires de la commune ; s’acquitter avec honneur d’importantes ambassades ; exercer ces fonctions de Prieur de la république : poëte. soldat, citoyen, ami, amant passionné, homme enfin dans le sens le plus elevé et le plus complet du mot, dans le sens qu’y attachait le poète antique.

Mais s’il nous importe assez peu de connaître avec détail, selon un ordre chronologique, d’ailleurs très-contesté, les faits dont se compose la carrière extérieure de Dante, il convient de nous arrêter à l’événement qui imprime à l’ensemble de sa vie un caractère religieux ; à ce profond et douloureux ébranlement de son âme d’où devait sortir un jour la Comédie, que ses contem-