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dante et gœthe

mait à leur esprit son rhythme solennel. – À quoi pensez-vous ? dit enfin Élie.

DIOTIME.

La question est brusque. La réponse va vous surprendre… Je pense à Dante.

ÉLIE.

À Dante !… ici ! au poète florentin, sur les côtes de Bretagne ! Voilà qui me surprend, en effet.

DIOTIME.

Ce site est véritablement dantesque. Regardez ces formidables entassements de rochers, précipités les uns sur les autres ! Voyez ces blocs de granit aux flancs noirs, tout hérissés d’algues marines, que la vague, en se retirant, laisse couverts d’écume, et que d’ici l’on prendrait pour des monstres accroupis sur le sable ! Écoutez les gémissements du flot qui s’engouffre dans ces antres béants ! Ne se croirait-on pas aux abords d’un monde infernal ? Tout à l’heure, à la lueur blafarde de votre triste soleil, il me semblait lire sur ce pan de roc taillé à pic l’inscription sinistre : Per me si ra ; et je voyais, là-bas, dans cet enfoncement, l’ombre de Dante, qui s’avançait, pâle et muette, vers les régions obscures.

ÉLIE.

Votre imagination confond mes faibles esprits. Vous franchissez d’un bond l’espace et les siècles…