Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
125
DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

du général Lamoricière fournirent à la presse de l’opposition dynastique et radicale de nouvelles armes contre le gouvernement. Pour échapper aux forces marocaines, l’émir s’était, il est vrai, rendu à l’armée française, mais sous la condition qu’il serait transporté, lui et sa famille, à Saint-Jean d’Acre ou bien à Alexandrie. Arrivé à Toulon sur une de nos frégates à vapeur, il réclamait avec insistance l’exécution du traité.

Cependant, envoyer Abd-el-Kader en Égypte, d’où il pouvait si aisément, sous l’influence et avec l’appui de l’Angleterre, agir contre nous, c’eût été le comble de l’imprudence ; le ministère le sentait bien, mais que faire ? Désavouer le duc d’Aumale qui avait ratifié les conventions signées par le général Lamoricière ? cela semblait impossible ; manquer brutalement de parole à un si noble ennemi ? que dirait l’Europe ? pour se donner le temps de réfléchir, et malgré les réclamations éloquentes qu’Abd-el-Kader adressait au maréchal Bugeaud et au roi lui-même, M. Guizot, au mépris d’une parole sacrée, le fit enfermer provisoirement, disait-il, au fort Lamalgue.

La nomination d’un fils du roi au gouvernement de l’Algérie, attaquée depuis longtemps dans les journaux, le fut à cette occasion à la Chambre des pairs. M. Guizot répondit, comme de coutume, par des atermoiements. Au sujet d’Abd-el-Kader, il dit que le gouvernement n’avait pas pensé que la parole d’un chef militaire dût l’engager politiquement, et que, d’ailleurs, on espérait trouver un moyen de concilier la parole donnée avec la sécurité de la France. La même réponse fut faite aux interpellations de M. de la Rochejacquelein et trouva la même docilité dans la Chambre des députés. Les questions les plus épineuses ainsi écartées, le ministère, triomphant sur tous les points, s’apprêtait à la dernière lutte avec un redoublement de confiance dans ses forces, et s’applaudissait à l’avance d’un succès qui serait sans doute disputé, mais qui lui semblait infaillible. On touchait enfin au paragraphe qui al-