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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

haine de l’injustice et stimuler en elle le sentiment de l’indépendance ; ils lui parlaient de Dieu, de patrie, de vérité : apostolat dangereux et qu’il importait d’interdire, sous un gouvernement dont un matérialisme grossier faisait toute la force.

Depuis six mois déjà, les cours de M. Mickiewicz et de M. Quinet étaient suspendus sous prétexte que les professeurs s’étaient écartés de leur programme. On n’avait point encore osé attaquer celui de M. Michelet, parce que, mieux sur ses gardes, l’illustre historien s’était tenu plus étroitement au sujet annoncé de ses leçons ; mais on épiait une occasion, et l’on trouva moyen de la faire naître. Le jour de l’ouverture au Collége de France, les étudiants, qui, en attendant l’arrivée du professeur, se livraient d’ordinaire à des passe-temps où la bienséance n’était pas toujours strictement observée, prirent pour thème de leurs joyeusetés le discours du roi aux Chambres ; ils en firent une lecture ironique, accompagnée de gestes moqueurs. Aussitôt des agents de police parurent dans la salle et la firent évacuer. Le lendemain, une affiche annonça que le cours d’histoire de France était suspendu. L’indignation et la colère des jeunes gens furent extrêmes. Le soir même, ils se rendirent en très-grand nombre devant la maison de leur professeur pour lui faire une ovation. Ne l’ayant pas trouvé, ils allèrent à l’Institut et en ébranlèrent les vieilles murailles aux cris frénétiques de Vive Michelet ! Le lendemain, les journaux de l’opposition donnèrent le discours qu’ils avaient voulu prononcer, et dans lequel ils protestaient avec véhémence contre les actes despotiques d’un pouvoir renégat issu des barricades. M. Michelet se plaignit, par la voie de la presse, d’une mesure qui le rendait responsable de faits arrivés en son absence ; à quelques jours de là, n’ayant point obtenu de réparation[1], il publia ses adieux à ses élèves, adieux

  1. Les journaux ministériels se félicitaient au contraire de ce que le Collége de France avait enfin cessé d’être une école de scandale, de sédition et d’impiété.