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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

cœur de l’homme, car il n’y aurait pas eu de sociétés si les droits naturels n’avaient vécu d’eux-mêmes. Et c’est vous qui osez parler de principes anti sociaux ! »

Cette parole forte et pleine excite dans l’Assemblée un mouvement extraordinaire. L’émotion augmente quand M. Ledru-Rollin proteste, en son nom et au nom de ses amis, contre les conséquences possibles de l’opiniâtreté du ministre qui peut amener l’effusion du sang, et que, s’adressant à toutes les nuances de la gauche, il s’écrie : « Le gouvernement s’attaque à la plus vitale de nos libertés. Attachons-nous à elle par d’unanimes étreintes ; environnons-la de nos bras comme un dernier autel qu’il faut maintenir debout. Tous, nous irons jusqu’au bout, et si nous sommes brisés dans la lutte, que le pays alors, comme en 1829, forme une vaste association pour le refus de l’impôt. »

La réponse du garde des sceaux soulève de nouvelles tempêtes. « Jamais, s’écrie M. Odilon Barrot en faisant un geste menaçant, ni Polignac, ni Peyronnet n’ont parlé ainsi. »

À ces mots, un grand nombre de députés se lèvent et quittent leurs bancs. On se lance des apostrophes injurieuses, on se menace du geste et du regard, on crie, on trépigne, on vocifère. M. Hébert, les bras croisés, dans l’attitude d’un homme préparé à tout, regarde fixement M. Barrot comme pour lui reprocher d’avoir donné le signal d’un tel désordre. Étourdi par le tumulte, troublé par la peur, le président quitte précipitamment son fauteuil sans songer à lever la séance. On le ramène au bureau ; il prononce d’une voix éteinte la formule officielle et disparaît.

Depuis la Convention, on n’avait pas mémoire d’une séance pareille. Paris révolutionnaire en frémit de joie ; les salons sont consternés. L’opposition demeure confondue devant son œuvre.

Le lendemain, 10 février, la discussion, terminée sur l’ensemble du paragraphe, reprend sur les amendements. M. de Genoude propose de remplacer la phrase ministé-