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HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

l’opposition tout entière ne suive pas votre exemple. Je n’en excepte ni M. Thiers, ni M. de Rémusat, ni M. Dufaure[1]. » En effet, aussitôt après le vote, cette question fut débattue dans la réunion des députés réformistes. En appellerait-on de la majorité parlementaire à la majorité électorale ? Forcerait-on le pouvoir, par une démission en masse, de convoquer plus de cent collèges électoraux, et susciterait-on de la sorte dans le pays une agitation nouvelle infiniment plus sérieuse, plus profonde, d’un caractère plus révolutionnaire que ne l’avait été l’agitation des banquets ? C’était l’avis des tempéraments irascibles, et particulièrement de ceux d’entre les députés dont la réélection était certaine. On en compta quinze sur cent quatre-vingts. L’avis contraire prévalut, et, le 14 février, M. de Girardin fut seul à donner sa démission en ces termes :

« Monsieur le président,

Entre la majorité intolérante et la minorité inconséquente, il n’y a pas de place pour qui ne comprend pas :

Le pouvoir sans l’initiative et le progrès, l’opposition sans la vigueur et la logique. Je donne donc ma démission.

J’attendrai les élections générales.

Émile de Girardin. »

Pour se relever à ses propres yeux de cette première défaillance, l’opposition arrêta que nul d’entre ses membres

  1. La Presse publiait, le lendemain du rejet de l’amendement de M. de Givré, un excellent article dans lequel elle insistait sur la question de légalité restée douteuse aux yeux d’anciens ministres, de conseillers à la Cour de cassation, d’anciens bâtonniers de l’ordre des avocats et de cent quatre-vingts députes sur quatre cents. Elle conseillait au cabinet de saisir les pouvoirs législatifs d’un projet de loi qui déterminerait dans quelles circonstances et sous quelles réserves le droit de s’assembler pourrait être exercé ou serait interdit. (La Presse du 12 février.) C’était encore là, pour le ministère, une manière loyale et prudente de sortir du conflit ; mais le cabinet, par un rare privilège, manquait presque également de prudence et de loyauté.