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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

avait à cette heure toutes les forces vives de la France. Il y avait l’honneur national, le droit, la liberté, la justice. Pourquoi faut-il que toutes ces choses sacrées, par l’incorrigible impéritie de nos gouvernements, s’appellent, depuis plus d’un demi-siècle, révolution !

En sortant de chez M. Barrot, M. Marrast et les membres de l’opposition avancée se réunirent dans les bureaux du Siècle. Là fut agitée la question de savoir si, dans le cas où le rappel serait battu le lendemain pour la garde nationale, on y répondrait. Après une discussion animée, on décida de sortir en armes, au premier appel, et d’appuyer, par des manifestations significatives, les mouvements populaires.

Aux mêmes heures, le comité électoral du deuxième arrondissement rédigeait une note qui parut le lendemain dans les journaux pour exprimer, au nom du peuple, son étonnement de la décision prise et demander la démission en masse des députés, seule mesure capable de donner en ce moment satisfaction à l’opinion publique. Le parti républicain délibérait dans les bureaux de la Réforme. Là, deux avis s’ouvraient et se combattaient. L’occasion était une des plus favorables qui se fussent offertes depuis longtemps ; il fallait la saisir et tenter une prise d’armes, disaient les uns. C’était l’opinion de MM. Ledru-Rollin, Étienne Arago, Caussidière, Lagrange, Baune, Grandménil, Thoré. Les autres, MM. Louis Blanc et Flocon, redoutaient le conflit, jugeant les chances trop inégales. On se sépara sans avoir rien conclu. Les plus déterminés se rendirent dans les faubourgs et au milieu des sociétés secrètes pour s’assurer, par des communications directes, de la disposition du peuple.

Pendant ce temps, on était plein de joie au Château. Aux pressants avertissements que Louis-Philippe avait reçus, il n’avait opposé que le sarcasme. « Vendez-vous bien vos tapis ? » avait-il dit à M. Sallandrouze, qui attendait que le roi lui parlât de son amendement. M. de Rambuteau, préfet de la Seine, qui lui communiquait des rapports alarmants, était ajourné à une semaine pour confesser en toute confu-