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HISTOIRE

sion, disait le roi, qu’il s’était abandonné à des terreurs d’enfant. Le maréchal Gérard[1] et M. Delessert recevaient un semblable accueil.

Peu après, et comme pour lui donner raison, des personnes bien informées de ce qui se passait dans les conciliabules de l’opposition faisaient connaître au roi que, dans la crainte de compromettre le gouvernement dynastique, M. Odilon Barrot et ses amis renonçaient au banquet. En apprenant cette nouvelle, MM. Duchâtel, Trezel, Delessert, Sébastiani, Jacqueminot, réunis au ministère de l’intérieur, décident que le déploiement de la force armée devient inutile et se chargent de donner le contre-ordre. Dire l’effet que cette nouvelle produisit aux Tuileries ne serait pas chose facile. Les courtisans se pâmaient d’aise. La reine était transportée. Le roi ne se contenait plus ; il serrait la main de ses ministres avec une effusion inaccoutumée. Il complimentait surtout M. Duchâtel. Depuis longtemps il n’avait montré tant d’esprit, tant de jovialité, tant de verve. Il ne s’oubliait pas lui-même dans les louanges qu’il adressait à son gouvernement. Il l’avait toujours pensé, toujours dit : cette opposition si pleine de jactance ne se composait que de beaux parleurs, de poltrons. Sa faconde à ce sujet était intarissable.

Quelques personnes essayaient bien de parler de l’agitation des rues ; mais c’était peu de chose, ce n’était rien, disaient les courtisans : une vingtaine de gamins, portant des chandelles, lisaient ironiquement les affiches contre les attroupements et le banquet. Les passants s’arrêtaient, ne sachant ce que cela voulait dire, mais les groupes se dispersaient aussitôt après avoir lu[2].

  1. Le mardi matin, 22 février, le roi écrivait au maréchal un billet pour le rassurer et lui annoncer que les événements prenaient la tournure la plus heureuse.
  2. Les rapports de police ne donnaient point à ce fait son véritable caractère. Si, dans les quartiers habités par la bourgeoisie, les groupes qui se formaient autour des affiches ne présentaient rien de menaçant,