Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
272
HISTOIRE

Presque au même moment, M. Sauzet arrive et prend place au fauteuil[1]. Les tribunes publiques sont vides ; il n’y a personne au banc des ministres : Dans la tribune des journalistes, MM. Gervais (de Caen), Pascal Duprat et quelques autres rédacteurs de la Réforme ; parlent hautement de république ; M. Marrast s’efforce de leur imposer silence.

M. Laffitte demande que la chambre se déclare en permanence. Cette motion est adoptée ; mais les députés, de plus en plus troublés par les nouvelles du dehors, ne songent à prendre aucune autre initiative. La séance est suspendue.

Enfin, vers une heure et demie, un officier en uniforme est introduit et vient parler à l’oreille de M. Sauzet. Aussitôt le président annonce avec beaucoup d’embarras à la chambre que madame la duchesse d’Orléans va assister à la séance. Il fait disposer trois siéges au pied de la tribune. Une agitation extraordinaire se manifeste sur tous les bancs quand on voit entrer dans la salle, par la porte du couloir de gauche, madame la duchesse d’Orléans, tenant par la main le comte de Paris. Le duc de Chartres la précède plusieurs aides de camp, des officiers de l’armée et de la

    le pas était entré à la Chambre, plutôt pour y chercher un refuge que pour y apporter un avis Persuadé que l’invasion populaire ne tarderait pas, il ne jugea pas opportun de l’attendre, et pensa à mettre sa personne en sûreté. Un député conservateur, M. Talabot, s’offrit à l’accompagner et le reconduisit par de longs circuits, par le bois de Boulogne et les Batignolles, à travers des groupes populaires menaçants qu’il fallut plusieurs fois haranguer, jusqu’à la place Saint-Georges. M Thiers y arriva, vers six heures du soir, harassé de fatigue, dans un état de complète prostration physique et morale.

  1. MM. Beaumont (de la Somme), de Mornay, de Polignac et César Bacot, informés par un des sténographes du Moniteur que les gardes municipaux qui occupaient la caserne des Minimes, près de la place Royale, venaient de se rendre, et que le peuple, partout mêlé à la garde nationale, s’avançait vers les Tuileries et le palais Bourbon, coururent avertir M. Sauzet. Celui-ci se refusa d’abord à ouvrir la séance. Il fallut le presser vivement pour obtenir qu’il se rendît au palais Bourbon avant l’heure indiquée.