Aller au contenu

Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
273
HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

garde nationale, lui servent d’escorte. À la vue de cette femme, de cette mère si noble et si courageuse, un certain attendrissement gagne les cœurs[1]. « Vive la duchesse d’Orléans ! vive le comte de Paris ! vive la régente ! vive le roi ! » crie-t-on dans les tribunes et sur la plupart des bancs. La duchesse s’incline ; son voile à demi relevé découvre ses joues pâles et ses yeux rougis par les larmes. Ses vêtements de deuil ajoutent quelque chose de plus touchant encore à la plaintive majesté de son maintien. Elle parcourt d’un regard inquiet l’assemblée, comme pour y chercher des protecteurs. Hélas ! elle vient d’entendre des paroles bien différentes. En traversant la salle des Pas-Perdus, elle a été coudoyée par des républicains accourus pour déjouer ses efforts, et, au moment même où elle entre d’un pas timide dans l’enceinte, un petit groupe d’hommes résolus s’y précipite pour protester, au nom du peuple, contre la royauté de son fils.

MM. Emmanuel Arago, Sarrans, Chaix (de Lyon) et Duméril (de Saint-Omer) arrivaient des bureaux du National où siégeait, depuis neuf heures du matin, un comité composé de délégués de tous tes quartiers de Paris et de républicains de toutes les nuances. On avait cherché à s’entendre avec le comité de la Réforme. On comprenait qu’il fallait s’unir pour tenir prêt, à tout événement, un gouvernement provisoire ; mais la fusion était devenue difficile par suite des rivalités personnelles et de la polémique acerbe des deux journaux pendant ces dernières années[2].

Monté sur une table, M. Louis Blanc prêchait la conciliation, M. Félix Pyat le secondait ; d’autres les combattaient ; les amis particuliers de M. Marrast repoussaient M. Ledru-

  1. « Je suis républicain, disait M. Marrast, dans la tribune des journalistes ; mais cette femme, ces enfants, tout cela m’émeut. — En 1830, n’y avait-il pas aussi une femme et un enfant ? lui répond un de ses voisins ; avez-vous été ému alors ? »
  2. Au moment où éclata l’insurrection, M. Ledru-Rollin et M. Marrast, étaient sur le point de se battre en duel.