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HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

« Vous ne pouvez faire mi un gouvernement provisoire ni une régence ! s’écrie ce courageux champion de la légitimité et du suffrage universel ; il faut que la nation soit convoquée. Il n’y a rien sans le consentement du peuple. C’est comme en 1830 ; vous ne l’avez pas appelé. Voyez ce qui vous arrive : ce sera la même chose, et vous verrez les plus grands malheurs surgir de ce que vous ferez aujourd’hui. »

À ce moment, M. Barrot se dispose a monter a la tribune. « M Barrot ! M. Barrot ! laissez parlez M. Barrot ! » s’écrie-t-on. Un profond silence succède au tumulte. M. Barrot, ému mais resté maître de son émotion, prend la parole. Il trace succinctement, un tableau de la situation qui est écouté avec faveur. « La couronne de Juillet repose sur la tête d’un enfant et d’une femme, » dit-il avec un accent solennel.

Les centres applaudissent, madame la duchesse d’Orléans se lève et salue l’assemblée. Elle tient à la main un papier que lui a remis M. Crémieux ; elle l’agite et s’efforce de faire comprendre au président qu’elle désire prendre la parole. « Montez à la tribune, madame, lui dit M. de Girardin. M. le duc de Nemours la retient. Intimidée, hésitante, la duchesse d’Orléans rassemble cependant tout son courage et veut essayer de parler. « Messieurs, dit-elle d’une voix étouffée, mon fils et moi nous sommes venus ici… » C’est à peine si le groupe le plus voisin entend ces paroles. Le bruit qui se fait autour de la tribune et les personnes debout qui cachent la princesse ne permettent à M. Odilon Barrot et à M. Sauzet de rien voir ni de rien entendre. La duchesse d’Orléans découragée se rassied. Une telle lutte est trop violente pour ses forces physiques, trop inattendue pour son esprit délicat, qui n’a eu ni l’occasion de s’exercer à l’autorité, ni le temps de se préparer à un rôle politique.

M. Odilon Barrot, qui se croit encore maître des événements, est toujours a la tribune. Il parle de liberté poli-