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HISTOIRE

tique, d’union, d’ordre, de circonstances difficiles. Interrompu par M. de la Rochejacquelein, il promène sur les bancs de la droite et de la gauche un regard courroucé. « Est-ce que par hasard, dit-il avec une certaine hauteur, on prétendrait, remettre en question ce que nous avons décidé par la révolution de Juillet ?… » Et il continue avec un étonnant sang-froid ; il se prononce au nom des intérêts du pays, au nom de la vraie liberté, pour la régence.

Alors, M. de la Rochejacquelein, qui n’a pas cessé, pendant tout le discours de M. Odilon de donner des signes d’impatience, s’élance à la tribune. « Nul plus que moi, s’écrite-t-il, ne respecte ce qu’il y a de beau dans certaines situations. Je répondrai à M. Odilon Barrot que je n’ai pas la folle prétention de venir élever ici des prétentions contraires : non ; mais je crois que M. Barrot n’a pas servi, comme il aurait voulu les servir, les intérêts pour lesquels il est monté à cette tribune. Messieurs, continue M. de la Rochejacquelein, qui veut reprendre habilement la proposition de M. de Genoude, dont il partage l’espérance secrète, il appartient peut-être bien à ceux qui, dans le passé, ont toujours servi les rois, de parler maintenant du pays, du peuple. Aujourd’hui, vous n’êtes rien ici… »

De vives protestations lui coupent la parole. « Nous ne pouvons accepter cela ! » s’écrie M. de Mornay. « Je vous rappelle à l’ordre, » dit le président. M. de la Rochejacquelein, resté à la tribune, explique sa pensée : « Je dis que vous n’êtes rien comme Chambre… »

Au même instant, et comme pour confirmer ces paroles, un bruit extraordinaire retentit dans les couloirs extérieurs ; on frappe à coups de crosse de fusil contre la porte située à gauche de la tribune ; la porte cède sous la pression d’une foule d’hommes armés qui se précipitent dans la salle aux cris de « Vive la liberté ! à bas le juste milieu ! à bas la régence ! » C’est la colonne du capitaine Dunoyer, grossie sur la route, d’un nombre considérable d’hommes du peuple, d’étudiants et de gardes nationaux décidés à