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HISTOIRE

Rollin, silence ! » répond une voix dans la foule. Un peu de calme s’établit à ce nom populaire. « Messieurs, reprend Ledru-Rollin, au nom du peuple en armes et maître de Paris, quoi qu’on fasse, je viens protester contre l’espèce de gouvernement qu’on est venu proposer à cette tribune. » Puis il établit historiquement, en citant l’une après l’autre les dates importantes de nos révolutions successives, 1789, 1791, 1815, 1830, 1842, le devoir pour les bons citoyens de ne pas laisser acclamer d’une façon usurpatrice la régence[1]. Concluez, pressez la question, nous connaissons l’histoire, dit M. Berryer.

Ledru-Rollin continue ses développements. « Mais concluez donc, reprend Berryer : un gouvernement provisoire ! – Je demande donc, ajoute l’orateur, pour me résumer, un gouvernement provisoire, non pas nommé par la Chambre, mais par le peuple. Un gouvernement provisoire et un appel immédiat à une Convention, qui régularise les droits du peuple. » Cette conclusion est saluée de bravos frénétiques.

M. de Lamartine, qui n’a pas quitté la tribune, s’avance, a son tour, pour prendre la parole.

Les amis de la princesse reprennent quelque espoir. Il y avait lieu de penser, en effet, que M. de Lamartine allait se prononcer pour la régence. Dans la discussion de 1842, il avait éloquemment soutenu les droits de la duchesse d’Orléans. On ne l’avait point vu cette année aux banquets radicaux. Sa nature aristocratique devait lui rendre odieuses les violences populaires. Son ambition, d’accord avec les idées qu’il avait défendues pendant tout le cours de sa carrière

  1. On a prétendu que ces longueurs de M. Ledru-Rollin étaient calculées, qu’il était convenu, dans la matinée, avec MM. Caussidière et Lagrange, qu’une colonne populaire envahirait la Chambre à deux heures moins un quart, et que M. Ledru-Rollin, l’œil sur le cadran, n’avait d’autre but, en gardant la parole, que de gagner du temps. Mais cette assertion, qui n’est, d’ailleurs, appuyée d’aucune preuve, me paraît dénuée de tout fondement.