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HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

sommes envahis par une horde de brigands ! » Le geste expressif d’un ouvrier le contraint au silence.

M. de la Rochejacquelein, au milieu des insurgés, sourit d’un air de triomphe, et, s’adressant à M. Dunoyer : « Nous allons droit à la République, lui dit-il. — Quel mal y a-t-il à cela ? répond Dunoyer. – Aucun, reprend la Rochejacquelein. Tant pis pour eux, ils ne l’auront pas volé ! » C’est la pensée intime des légitimistes qui se trahit par cette locution vulgaire échappée à M. de la Rochejacquelein ; c’est la joie de leur vengeance qui brille dans son sourire. Cependant cette invasion, où l’on voyait un si grand nombre de gens bien vêtus, de gardes nationaux, d’élèves de l’École polytechnique, ces drapeaux tout neufs et ornés de franges d’or avaient paru suspects dans la tribune des journalistes. Les républicains crurent un moment à une scène jouée en faveur de la régente « Ce n’est pas là le vrai peuple, s’écrie M. Gervais (de Caen). Je vais, moi, chercher le vrai peuple. » Et il s’élance hors de la tribune.

Le désordre allait croissant ; c’était une lutte de cris, de gestes, de menaces. On se disputait à coups de poings la tribune. Enfin, une personne étrangère a la Chambre, M. Chevalier, ancien rédacteur de la Bibliothèque historique, parvenant à s’y maintenir quelques minutes, prononce d’une voix retentissante ces paroles : « La seule chose, messieurs, que vous ayez à faire, c’est de nous donner un gouvernement à l’instant même. Il faut que le comte de Paris soit porté sur le pavois aux — Il est ici ! » dit une voix. Les regards se tournent vers le sommet de l’amphithéâtre et cherchent madame la duchesse d’Orléans. « Plus de Bourbon ! vive la République ! » crient les insurgés. La tribune et les escaliers qui y conduisent sont obstrués par plusieurs orateurs qui parlent à la fois. On y voit MM. Dumoulin, Crémieux, Ledru-Rollin, Lamartine. Le capitaine Dunoyer agite son drapeau au-dessus de leurs têtes. « Au nom du peuple, s’écrie M. Ledru-Rollin d’un accent impérieux, je vous demande le silence. – Au nom de Ledru-