vait attendre que le désordre. Il n’aima pas non plus cette bourgeoisie à laquelle il s’efforçait de complaire, car il s’employa sans relâche à l’asservir en l’avilissant, et se fit un jeu de tromper le vieil esprit parlementaire et municipal qui vivait encore en elle, en masquant, sous l’appareil des formes représentatives et du langage républicain, un gouvernement qu’il voulait exclusivement dynastique et personnel. Indévot, indifférent à la philosophie, il assista passivement aux luttes de l’Église et de l’Université, et livra, sans en prendre souci, à la direction contraire de ces deux puissances hostiles, l’esprit déconcerté de la jeunesse française. S’attachant obstinément à maintenir la paix, sans tirer de la paix autre chose qu’une prospérité et un repos mensongers ; s’infatuant de la médiocrité de ses pensées à mesure qu’il la voyait plus généralement partagée ; se félicitant de sa sagacité à mesure que le pouvoir et l’expérience lui montraient les hommes plus aisément corruptibles ; se riant de tous les conseils, s’isolant dans le sentiment exagéré d’une autorité que la vieillesse avait rendue jalouse, ce malheureux prince finit par devenir totalement étranger à son siècle et à son pays. Par un jeu cruel du sort, il devait trouver sa perte dans ce qui faisait le sujet de son contentement. Cette bourgeoisie qu’il avait façonnée à sa guise, ces intérêts inférieurs, ces égoïsmes qu’il avait tournés à ses fins, ces passions basses dont il avait tiré si bon parti, en rendant son gouvernement très-facile, ne donnaient à son règne aucune base solide. Quand vint le jour de la lutte, lorsqu’il eût fallu faire appel au dévouement, au courage
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