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INTRODUCTION.

civique, aux convictions désintéressées, il sentit, à je ne sais quoi de tiède et de mou dans l’atmosphère morale, combien un tel appel éveillerait peu d’échos. Il avait abaissé les caractères, il avait raillé les vertus, il avait refoulé, éteint dans les âmes ces sentiments élevés, ces nobles passions qui l’eussent sauvé, ou tout au moins glorieusement défendu. En méprisant les hommes, il les avait rendus dignes de mépris. Et, pour parler le langage de la Bible, il avait semé la corruption, il recueillit la pourriture.

Entre les circonstances principales qui contribuèrent à entretenir la confiance exagérée que nourrissait Louis-Philippe dans ses propres lumières, il faut compter en première ligne le concours de plusieurs hommes d’une rare capacité dont il était parvenu à faire des instruments diversement, mais presque également dociles. Depuis la mort de Casimir Périer, brisé dans la lutte qu’il avait osé entreprendre contre le gouvernement personnel du roi, MM. Guizot, Thiers, Molé, de Broglie, appelés simultanément ou tour à tour au conseil, selon l’opportunité d’une attitude inflexible ou conciliatrice, n’avaient opposé aux volontés royales qu’une faible résistance et des vues à peine divergentes, se préoccupant uniquement du soin intéressé de retenir ou de ramener dans leurs mains les fils de l’intrigue parlementaire, et persuadés, d’ailleurs, avant tout examen, du danger ou de l’impossibilité de la moindre réforme sociale. Entre ces quatre figures qui représentaient différemment la monarchie de 1830, il en est une surtout qu’il nous importerait de bien connaître, parce qu’elle représente