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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Rochejacquelein, dont la forte stature, la chevelure touffue, la voix sonore et le visage épanoui appelaient les regards, ravissait la foule, qui ignorait son nom, par la violence de ses diatribes contre la dynastie d’Orléans[1].

Dans la salle du trône, une assemblée permanente et tumultuaire discutait les motions et rendait les décrets les plus extravagants.

Dans la salle du conseil municipal, les partisans du comte de Paris essayaient, mais sans aucun succès, de ramener les esprits à l’idée de régence. C’est dans cette salle que le peuple avait fait son premier acte de souveraineté. Voici ce qui s’y était passé depuis le matin.

On se rappelle que le général Sébastiani avait été chargé par le maréchal Bugeaud de la défense de l’Hôtel de Ville. Le général Tallandier et le colonel Garraube l’assistaient ; la 9e légion, sous les ordres du colonel Boutarel, était rangée le long des murs du palais, dans l’intérieur des grilles. Les dispositions de la garde nationale étaient, là comme partout, très-indécises. Loin d’animer la troupe, elle lui communiquait son hésitation. Les mesures prises par le général Sébastiani avaient, d’ailleurs, par leur résultat fâcheux, fort ébranlé la confiance du soldat. Au lieu de laisser la troupe massée autour de l’Hôtel de Ville, le général avait envoyé dans toutes les directions des détachements trop faibles pour tenir tête à l’émeute. Le peuple, bien avisé, les laissait s’engager sans combat dans les rues étroites ; mais à peine étaient-ils passés, qu’on élevait sur leurs derrières des barricades qui rendaient la retraite impossible. Pris de la sorte dans d’étroits défilés d’où ils recevaient, sans pouvoir le rendre, le feu de maisons de cinq ou six étages, les soldats, tout à la fois menacés et

  1. À force de haranguer et de flatter les rancunes populaires, M. de la Rochejacquelein allait peut-être se faire proclamer membre du gouvernement provisoire, lorsqu’un autre orateur, M. Dussart, escaladant une console, prit la parole avec vivacité et tira la foule de son erreur en lui nommait le député légitimiste.