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INTRODUCTION.

anguleuses et contradictoires sous lesquelles nous apparaît la personne hautaine, impérieuse et passionnée de l’homme d’État aux mains de qui périt la royauté dont je vais raconter la chute.

Un tel homme, par ses défauts et par ses qualités, par la nature même de ses ambitions et de ses talents, semblait prédestiné à perdre la monarchie. Bourgeois par le hasard de la naissance, il avait été aisément amené à l’adoption du système appelé de juste-milieu, par lequel il prenait son point d’appui dans la classe d’où il sortait. Mais ce système, il n’aurait pu le soutenir qu’à la condition de l’étayer sur les vertus, et non pas, comme il le fit, sur les vices de la bourgeoisie. Au lieu d’exciter dans son sein le patriotisme, l’ardeur du bien public, il y sollicita l’intérêt individuel et l’intérêt de classe, croyant ainsi opposer une barrière plus solide aux progrès des classes populaires vers la vie politique. Au rebours des véritables hommes d’État, qui embrassent d’une même vue les destinées d’une nation, M. Guizot concevait le pouvoir comme une force indépendante, ayant en soi sa raison d’être et vivant d’une vie séparée, en butte aux attaques perpétuelles d’un ennemi qui n’était autre, à ses yeux, que la masse du peuple. Résister, toujours résister, c’était là, suivant lui, tout le devoir et tout le génie d’un bon gouvernement. Le système parlementaire plaisait à M. Guizot, parce que cet équilibre un peu artificiel semblait conseiller l’intrigue où il excellait, parce qu’il y fallait un talent oratoire que peu de gens lui pouvaient disputer.

Le besoin de la domination joint au goût de la