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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

toriens, les savants, les politiques, travaillent de concert à établir dans la conscience publique la souveraineté de la raison et l’égalité des droits. Et leur commun effort s’adresse à des esprits si bien préparés, la résistance des préjugés est si faible, si vaine, que, trente ans après, quand le démocrate Franklin vient demander à la France son or et sa flotte pour soutenir les colonies insurgées, il trouve un roi, des ministres, une cour, que la révolte républicaine n’étonne ni n’indigne, et qui se jettent avec enthousiasme dans cette grande aventure de l’esprit de liberté.

Est-il besoin de rappeler combien fut restreinte et impopulaire, en 1789, l’opposition à la convocation des états généraux ? Quelques privilégiés, des princes du sang royal, des familiers de Versailles, protestent seuls contre la masse du pays qui reconnaît et salue dans l’Assemblée envoyée par le suffrage universel une institution sortie des entrailles de la société française, monarchique d’intention et de langage, il est vrai, mais virtuellement républicaine, de telle sorte que, bientôt, sans le savoir, sans le vouloir, embarrassée d’un roi inutile, n’en sachant que faire, de malentendu en malentendu, d’hypocrisie en hypocrisie, d’inconséquence en inconséquence, ses décrets et ses discussions nécessitent la fuite à Varennes.

À ce moment, la pensée d’une république immédiatement réalisable s’empare de l’opinion ; la presse quotidienne prend l’initiative et prononce le mot. L’écho populaire lui répond. « La république s’exhale de partout, » s’écrie avec transport une femme qui va bientôt périr victime de sa foi républicaine. L’heure semble venue ; la circonstance est propice. Les idées pressent les événements ; les esprits sont disposés, les principes acceptés, les formules prêtes. Que le roi quitte le sol, que sa noblesse de cour le suive, s’il lui plaît, la France émancipée ne s’en troublera guère. D’un accord unanime, bourgeois et prolétaires défendront, maintiendront le droit, et poursuivront