Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
INTRODUCTION.

sa jeunesse, avait sans doute, plus que toute autre cause, incliné aux ambitions politiques sa vie encore incertaine. Porté d’instinct à je ne sais quel fatalisme insouciant, M. Thiers se pénétra sans peine de cette adoration du succès qui tenait lieu à son illustre patron de principes et de conscience. Le respect du droit se subordonna chez lui à l’importance du fait. Il apprécia plus volontiers les hommes et les choses dans leurs rapports avec les nécessités du moment que selon les règles immuables du juste et de l’injuste. Aussi, à cause de ce vice essentiel qui devait à la fois fausser ses jugements historiques et ses conceptions politiques, quelques esprits sévères, refusant également à M. Thiers la gloire de l’homme d’État et celle du grand historien, ne consentent-ils à applaudir en lui que le mieux informé, le plus habile, le plus sagace et le plus disert des journalistes. L’apologie de la Convention, l’éloge de Danton, protestation hardie contre les opinions reçues à cette époque, avaient fait la fortune de l’Histoire de la Révolution française, livre écrit de verve et dont une certaine flamme de jeunesse échauffe encore le sceptisme caché. Grâce au produit des éditions qui se multipliaient, M. Thiers, de concert avec M. Mignet et Armand Carrel, avait fondé le National, dont la critique acerbe, funeste au gouvernement de la branche aînée, contribua puissamment à l’élévation de la maison d’Orléans.

Jeté dans les régions du pouvoir par la révolution de juillet, successivement conseiller d’État, député, secrétaire général au ministère des finances, ministre