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HISTOIRE

ries, quand tout pouvait faire craindre la dévastation ou l’incendie, une main invisible avait tracé à la craie sur les pilastres de la grille ces simples mots : Invalides civils. Le conseil régularisa par un décret cette pensée anonyme ; puis il adopta les enfants des citoyens morts en combattant pour la patrie et mit en liberté les détenus politiques ; enfin, il rendit un décret à jamais mémorable il abolit la peine de mort en matière politique.

La peine de mort, attaquée dans son principe par Thomas Morus, par Beccaria, par la plupart des philosophes du dix-huitième siècle, mise en question à l’Assemblée constituante et à la Convention par Condorcet, Dupont, Robespierre, de plus en plus réprouvée par l’esprit général de la civilisation moderne, reste dans nos lois comme un vestige attardé de la fatalité antique et de la barbarie féodale. Un philosophe contemporain avait dit sous le règne de Louis XVIII : « L’abolition de la peine de mort est réclamée avec cette sorte d’unanimité qui ne peut tarder de triompher, parce que c’est l’unanimité des hommes qui ont la pensée sympathique de ce siècle. » En effet, depuis bien des années, on voyait dans les hésitations du jury un symptôme non douteux de cette répugnance à prononcer la peine capitale. Les acquittements en matière criminelle, les amnisties en matière politique, n’étaient plus en proportion de la gravité des crimes, mais en proportion du sentiment grandissant dans la conscience publique de l’inviolabilité de la vie humaine.

En 1850, pour sauver les ministres de Charles X, Louis-Philippe fit proposer aux Chambres l’abolition de la peine de mort en matière politique. Une pétition qui appuyait cette proposition fut signée par les blessés de juillet ; mais la masse populaire protesta. Des bandes armées portant un drapeau sur lequel se lisaient ces mots : mort aux ministres, marchèrent sur Vincennes et peu après menacèrent le Luxembourg. La garde nationale elle-même se montrait animée de passions violentes et souhaitait ouvertement