messe de mettre en pratique l’axiome qu’il venait de proclamer : Que la révolution faite par le peuple devait être faite pour le peuple, eut cette fois la faiblesse de céder à une exigence bien autrement précise et grave. Il s’engagea à des réformes radicales, instantanées, qui n’étaient point de sa compétence. Il promit inconsidérément ce qu’il savait bien ne pouvoir tenir il garantit l’existence de l’ouvrier par le travail.
Les choses se pressent de telle sorte dans les temps révolutionnaires, que ce fut le jour même où le gouvernement se flattait d’avoir remporté sur le peuple une victoire signalée, qu’on vit le prolétariat paraître pour la première fois sur la scène politique et faire, par l’organe d’un ouvrier en armes, sa première sommation directe et en quelque sorte officielle à la société constituée.
Il s’était écoulé une heure à peine depuis que les bandes qui portaient le drapeau rouge avaient disparu, quand la place de Grève, un moment presque vide, reprit tout à coup son aspect tumultuaire. De nouveaux flots de peuple, poussés par une nouvelle tempête, y firent invasion et la remplirent de rumeurs. Le gouvernement comprit qu’il était menacé d’un nouveau danger ; mais à peine avait-il eu le temps de se demander quel il pouvait être, que la porte du conseil s’ouvrit brusquement. Un homme entra, le fusil en main ; son visage était pâle et crispé, sa lèvre tremblait de colère. Il s’avança d’un pas hardi jusqu’à la table des délibérations et, frappant le parquet de la crosse de son fusil, il montra du geste la place de Grève. Une clameur prolongée s’élevait à ce moment du sein de la foule et donnait un sens effrayant à ce geste muet. Chacun se taisait. La physionomie expressive de l’ouvrier, son attitude, le défi hautain empreint dans toute sa personne avaient saisi d’étonnement et d’un certain respect les hommes mêmes à qui sa présence semblait une insulte. Quelques ouvriers, entrés à sa suite, s’étaient groupés derrière lui sans proférer une parole. Cette attente, cette émotion contenue