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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

peuple de Paris semblait vouloir prendre à témoin le ciel et la terre, et il consacrait la République française par les accents les plus vigoureux que le désir et la conviction aient jamais arrachés à des poitrines humaines. Toutes ces figures avaient le caractère de la confiance et de la joie, non pas d’une joie emportée et frivole, mais d’une joie sereine et réfléchie. Quand on se retournait du haut du boulevard Saint-Denis, on apercevait, marchant derrière le Gouvernement provisoire, une masse de citoyens, énorme, immense, qui remplissait la grande voie dans toute sa largeur, et qui s’étendait jusqu’à perte de vue. C’était le plus important ; rien n’égale la pompe que donne la présence du peuple, rien n’est comparable à sa majesté.

« Cette journée est désormais inscrite au nombre de celles qui laissent dans l’histoire les traces qu’on aime le mieux à retrouver. Ce peuple, si indigné, il y a trois jours, si animé de toute la chaleur de la bataille, était là aujourd’hui tout entier, mêlant, confondant ses impressions, n’éprouvant plus qu’un sentiment de concorde, et s’abandonnant à toutes les espérances d’un avenir de grandeur et de prospérité avec une confiance qui, cette fois, du moins, ne sera pas trompée. On peut le dire avec un juste orgueil, le gouvernement, appuyé sur cette force populaire, sera le plus puissant des gouvernements. En servant la France, il servira toutes les nations de l’Europe ; le peuple de Paris a ouvert une ère nouvelle. La République française fait reprendre à notre patrie le cours glorieux de ses destinées ; elle lui rend l’initiative du progrès ; elle vient enfin au secours du temps et des idées qui préparent peu à peu les États-Unis de l’ancien continent. »

Et comment le gouvernement provisoire aurait-il pu entrer un seul instant en doute sur les sentiments que lui portait la nation ? Les adhésions lui arrivaient de toutes parts, non pas tardives, isolées ou contraintes, mais empressées, ferventes. Les colonnes du journal officiel en étaient remplies. L’Hôtel de Ville semblait trop peu spa-