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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

tative pour rétablir sur le trône de France l’une ou l’autre branche de la maison de Bourbon. Des esprits peu judicieux pouvaient seuls concevoir cette crainte en rapprochant des dates aussi différentes que 1792 et 1848.

En 1792, l’esprit monarchique et théocratique régnait encore dans toute sa vigueur sur les États du continent. Les souverains croyaient d’une foi sincère à leur droit. Unis par des alliances intimes et par une diplomatie dont les fils secrets échappaient à l’œil le plus pénétrant, ils formaient tous ensemble comme une famille sacrée que les rivalités d’ambitions territoriales venaient bien troubler temporairement, mais sans altérer dans son principe ce sentiment de race qui en rendait les membres solidaires. Les peuples, au contraire, s’ignorant l’un l’autre, sans communication, sans échange de pensées, demeuraient livrés isolément au bon plaisir des rois. La démocratie n’avait pas conscience d’elle-même ; elle ne s’était pas encore nommée par son nom. Elle ne se connaissait ni droit ni Dieu. La Providence était encore avec les princes. lis gouvernaient en son nom, par son ordre, avec son appui rendu sensible dans les prières du sacerdoce et dans les serments chevaleresques de la noblesse.

Mais depuis un demi-siècle combien l’état de l’Europe avait changé ! Les armées royales battues par nos volontaires républicains ; une archiduchesse d’Autriche menée dans un triomphe insolent de Vienne à Paris, jusqu’au lit du grand parvenu de la Révolution française et, même après la défaite, nos soldats, vaincus sur le sol étranger, y laissant après eux je ne sais quel ferment de liberté qui troublait la victoire ; les esprits gagnés à mesure que les batailles étaient perdues ; Paris occupé, humiliant ses vainqueurs par le spectacle de sa grandeur morale ; les routes, les canaux, les voies de fer enrichissant les peuples à mesure que les finances royales s’épuisaient par la permanence des armées, et portant bientôt jusqu’au cœur des nations les plus lointaines ; avec les produits de l’industrie,