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HISTOIRE

Il ne faut pas l’oublier, d’ailleurs, si le manifeste, par son ton pacifique, donna trop de satisfaction au tzar Nicolas, à l’empereur d’Autriche et au roi Frédéric-Guillaume, il n’en fut pas moins applaudi par la démocratie européenne. L’Italie et la Pologne démocratiques, Mazzini et Mieroslawski, conjuraient la France de s’abstenir de toute hostilité[1]. Chez nous le prolétariat voulait la paix tout autant que la bourgeoisie. Je lis dans un manifeste des ouvriers de Lyon, remarquable à plus d’un égard, l’expression d’une admiration très-vive pour le langage franc, noble et digne que parlait à l’étranger le ministre des affaires étrangères. L’approbation fut universelle. La popularité de M. de Lamartine en reçut un éclat nouveau, parce qu’il avait touché avec justesse, en écartant quelques opinions de parti, le sentiment intime de la France.

Avant que l’impression produite sur les cours par la publication du manifeste pût être connue à Paris, les représentants des puissances monarchiques s’étaient tenus, vis-à-vis du gouvernement provisoire, dans une réserve polie. Tous, en envoyant à M. de Lamartine un simple accusé de réception de sa première circulaire, qui choquait cependant tous les usages en parlant des peuples et de leur mutuelle dignité et non des cours et des souverains, déclarèrent qu’ils ne quitteraient point leur poste. Le nonce du pape joignit à cette déclaration des témoignages de vive satisfaction, promettant d’informer le saint-père du respect que le peuple avait témoigné pour la religion et pour ses ministres. Le comte d’Arnim, ministre de Prusse, le marquis de Brignole, ministre de Sardaigne, le prince de Ligne, ministre de Belgique, le comte d’Appony, ambassa-

  1. Voir, au Moniteur du 31 mars, une lettre de Mieroslawski, dans laquelle il dit : « La Pologne n’a pas d’intérêt plus grand en ce moment que de voir la France persévérer dans la politique du manifeste. C’est là le seul moyen de sauver la Pologne : elle conjure la France de rassurer l’Allemagne et de chercher dans la Confédération une alliée de principe et d’intérêt. »