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HISTOIRE

Subervie son inertie et les influences fâcheuses qu’il subissait[1]. Peu versé dans les intrigues de la politique, le général se défendit loyalement, mais faiblement, contre des adversaires impatients de l’éconduire ; bientôt, dans une séance du gouvernement provisoire à laquelle n’assistaient ni M. de Lamartine, ni MM. Ledru-Rollin et Louis Blanc, il fut brusquement destitué. Dans la même séance le général Eugène Cavaignac fut nommé ministre de la guerre.

Cette élévation subite d’un officier assez peu connu surprit beaucoup. Le nom du général Cavaignac qui devait, à quatre mois de là, retentir avec un si grand éclat par toute l’Europe, avait été rarement prononcé dans la presse et n’attirait pas l’attention. Sa personne, même dans le parti républicain, était moins connue que sa parenté. Soit faute d’occasions, soit absence de don naturel, Eugène Cavaignac, tout en s’étant fait généralement estimer dans l’armée par la noblesse de son caractère et la parfaite dignité de sa vie, n’avait su inspirer ni une sympathie très-vive aux officiers, ni l’enthousiasme aux soldats qui s’étaient trouvés sous ses ordres.

Originaire d’une ancienne famille du Rouergue anoblie par Henri IV, le général Eugène Cavaignac, second fils de Jean-Baptiste Cavaignac, député à la Convention, naquit à Paris, le 15 octobre 1802. Après de bonnes études au collége Sainte-Barbe, il fut admis à l’École polytechnique, d’où il passa à l’École d’application de Metz, comme sous-lieutenant du génie. En 1828, il fit la campagne de Morée et devint capitaine en 1829. À son retour il fut envoyé à Metz. Là, l’esprit républicain qu’il avait hérité de son père lui valut une disgrâce momentanée. Pour avoir signé un projet d’association qui fut considéré comme un acte d’opposition au gouvernement, on le mit en non-activité pendant une année. Rappelé au service, il commanda en 1836, en Algérie, la garnison de Tlemcen. Cette garnison très-faible,

  1. On le croyait, mais à tort, bonapartiste.