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INTRODUCTION.

la garde nationale, pour avoir montré quelque déplaisir de la marche imprimée aux affaires par M. Guizot[1], n’était jamais convoquée. On en arriva à ce point que personne dans les rangs élevés de la société ne connut plus l’état vrai du pays. Quelques-uns entendaient bien parler confusément d’écoles et de sectes nouvelles, mais on ne savait trop de quoi il s’agissait. À peine retenait-on un ou deux noms voués au ridicule. Et si plusieurs conservaient quelque appréhension du communisme dont la menace grondait dans le lointain, au lieu de se rapprocher du peuple pour en apprendre la signification, mesurer le péril et le conjurer, ils pensaient agir sagement en évitant de songer à des choses qui leur étaient importunes.

On aurait pu croire que le clergé, plus en rapport avec les classes souffrantes par les écoles et les autres institutions de la charité chrétienne, pénétrait mieux l’âme populaire. Loin de là, les prêtres et leurs adhérents nourrissaient à cet égard d’étranges illusions. Ils se plaçaient toujours au point de vue étroit de l’aumône ; et, comme ils avaient à distribuer un fonds inépuisable fourni par la charité des fidèles, ils se flattaient d’exercer sur le peuple une influence croissante. Les uns se bornaient à lui prêcher par état la résignation ; les autres, les habiles, l’abbé de Genoude en tête, demandaient dans leurs journaux la liberté d’enseignement et le suffrage universel comme deux

  1. En 1840, dans une revue de la garde nationale passée à l’occasion du retour des cendres de Napoléon, les cris de : À bas Guizot ! retentirent dans les rangs. Depuis cette époque, Louis-Philippe ne passa plus de grandes revues, et l’on augmenta considérablement l’effectif des régiments casernés dans Paris.