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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

moins de désorganiser les dépôts et d’arrêter ainsi l’instruction des recrues, ne pouvaient mettre chacun qu’une batterie sur le pied de guerre. Les services administratifs manquaient presque complètement de moyens de transport. Dans la situation la plus précaire où se soit jamais trouvé un gouvernement, sans argent, sans crédit, avec la volonté bien arrêtée de ne point faire appel aux passions révolutionnaires, il fallait parer tout à coup aux éventualités d’une guerre de coalition monarchique ; il fallait garnir nos côtes et nos frontières sans affaiblir l’Algérie ; nous tenir prêts, au premier signal des Lombards ou des Polonais, à franchir le Rhin ou les Alpes, sans toutefois abandonner le cœur du pays, où l’on redoutait les menées des partis royalistes et les insurrections ultra-révolutionnaires. Le ministre des affaires étrangères ne demandait pas moins de 215 000 hommes pour soutenir la politique pacifique du manifeste ; 150 000 hommes sur le Rhin, 50 000 au pied des Alpes, 15 000 à la frontière des Pyrénées, étaient, selon lui, nécessaires. Ces exigences, combinées avec la sûreté de l’Algérie, que le comité de défense et le ministre ne voulaient en aucune façon compromettre, et avec les besoins du service intérieur, portaient à 514 000 hommes le chiffre des troupes à mettre sur pied. La dépense supputée pour atteindre ce résultat montait à 114 millions. Or les caisses de l’État étaient à peu près vides et, selon le rapport de la commission de défense, on ne pouvait pas compter sur plus de 101 000 hommes immédiatement disponibles.

L’activité de M. Arago et son intelligence organisatrice surmontèrent tous les obstacles. Arraché à des travaux scientifiques qui avaient illustré sa jeunesse, à un professorat qui avait porté son nom au niveau des plus grands noms contemporains, mais qui ne semblaient pas devoir le préparer à cette application aux détails administratifs, à cette aptitude spéciale qu’exigeait sa situation nouvelle, M. Arago, entré déjà dans l’âge où, chez la plupart des