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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

tiques, ils étaient accessibles à la voix de la raison. Aucun murmure ne s’éleva contre une mesure rigoureuse qui diminuait un salaire déjà insuffisant[1]. Les ouvriers se soumirent. C’était le jour même où l’élite de la garde nationale donnait l’exemple de la rébellion, par une démonstration d’hostilité envers le gouvernement et de répugnance pour l’égalité démocratique ; démonstration à laquelle le bon sens railleur du peuple a infligé le sobriquet caractéristique de manifestation des bonnets à poil.

En dehors des ministères, trop peu subordonnés au conseil du gouvernement provisoire pour lui créer une forte unité d’action, deux pouvoirs indépendants s’étaient élevés : la mairie de Paris et la préfecture de police. Dans les temps ordinaires, ces deux administrations considérables relevaient du ministère de l’intérieur qui tenait ainsi dans ses mains le gouvernement de Paris ; mais l’établissement révolutionnaire du 25 février scinda en trois et divisa profondément cette action commune.

Obsédé par les souvenirs de la première révolution, le conseil, dans sa première séance de l’Hôtel de Ville, avait ratifié l’élection d’un maire de Paris, faite, comme je l’ai raconté plus haut, dans l’assemblée tumultueuse du conseil municipal et il avait conféré à M. Garnier-Pagès des pouvoirs extraordinaires. On a vu de quelle manière, pendant ce temps, l’un des agents de la Réforme, M. Marc Caussidière, ancien président de la Société des Droits de l’homme à Saint-Étienne, condamné à la prison perpétuelle après la dernière insurrection de Lyon, s’était installé à la préfecture de police. Les deux grandes rivalités du parti démocratique se trouvèrent ainsi en présence, retranchées chacune dans un poste important, en mesure de se combattre à armes égales. La lutte ne tarda pas à s’engager. Dès le 26 février dans la soirée, M. Garnier-Pagès, affectant de traiter M. Caussidière comme un subordonné, lui

  1. Les ouvriers ne travaillaient déjà plus qu’un jour sur quatre.