Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
68
HISTOIRE

partie essentielle du gouvernement représentatif, mais, en France même, il n’était pas rare de voir les députés accepter de leurs commettants des ovations de ce genre. MM. Guizot et Duchâtel en avaient très-récemment donné l’exemple. Cependant le ministère vit avec déplaisir les préparatifs du banquet réformiste. Il n’était plus animé, à la fin de la session, de cette confiance superbe qu’il faisait paraître au commencement. Sans avoir éprouvé d’échec considérable, il se trouvait sensiblement affaibli par l’ensemble des débats. En ne préparant aucun projet de loi important ; en repoussant ou négligeant les réformes les plus simples et les plus impérieusement réclamées par l’opinion : la réforme postale, la proposition de dégrèvement sur l’impôt du sel ; en laissant à l’état de rapports des projets de loi sur le régime des prisons, sur le travail des enfants dans les manufactures, sur les livrets des ouvriers, etc., etc., il n’avait pas su tenir la majorité en éveil. Elle s’était relâchée de sa discipline, et, de temps à autre, s’amusait à des velléités d’opposition. La discussion sur l’expédition de Kabylie avait trahi la faiblesse du pouvoir devant l’attitude dictatoriale du maréchal Bugeaud. Dans les débats sur le budget on avait vu la fortune publique compromise. L’administration de la liste civile, les conditions d’un nouvel emprunt, de nouveaux avantages accordés aux compagnies de chemins de fer, tout cela excitait un mécontentement général. Enfin, des accusations de corruption, qui d’abord n’avaient rencontré que des dénégations hautaines, prenaient un caractère sérieux. Des faits jugés impossibles se précisaient, se prouvaient. Tantôt c’était la vente, dans le cabinet du ministre de l’intérieur, d’un privilége de théâtre, tantôt celle de la présentation d’un projet de loi, tantôt la protection accordée à un munitionnaire infidèle. Le scandale fut au comble, lorsqu’un acte d’accusation amena devant la cour des pairs un ancien ministre, M. Teste, président de la cour de cassation, grand officier de la Légion d’honneur, convaincu bientôt d’avoir reçu une somme considérable pour la concession