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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

bancs des conservateurs. Depuis 1834 jusqu’à 1843, il jugea les hommes et les choses d’un point de vue très-peu juste, qui lui faisait considérer les formes politiques comme d’importance médiocre pour le progrès social. C’est à cette erreur qu’il faut attribuer en majeure partie le peu d’accord de ses votes entre eux. Tantôt, trouvant le pouvoir trop faible et ne comprenant pas encore qu’il manquait de force parce qu’il n’émanait pas du sein même de la nation, il appuyait la loi contre les associations et soutenait, avec le ministère Molé, la prérogative royale ; tantôt il combattait les lois de septembre, la dotation et les fortifications de Paris. Ces oscillations produites par la mobilité naturelle de son esprit, par les espérances et les désappointements de son ambition personnelle, mais aussi par un vrai désir de conciliation entre les pouvoirs anciens et la liberté moderne, s’arrêtèrent subitement et se fixèrent dans le discours du 27 janvier 1843. Il y motivait son vote contre l’adresse par ces paroles sévères, inattendues dans sa bouche : « Convaincu que le gouvernement s’égare de plus en plus, que la pensée du règne tout entier se trompe ; convaincu que le gouvernement s’éloigne de jour en jour, depuis 1834, de son principe et des conséquences qui devaient en découler pour le bien-être intérieur et la force extérieure de mon pays ; convaincu que tous les pas que la France a faits depuis huit ans sont des pas en arrière et non des pas en avant ; convaincu que l’heure des complaisances est passée, qu’elles seraient funestes, j’apporte ici mon vote consciencieux contre l’adresse, contre l’esprit qui l’a rédigée, contre l’esprit du gouvernement qui l’accepte, et que je combattrai avec douleur, mais avec fermeté dans le passé, dans le présent et peut-être dans l’avenir. »

Jusque-là, nourri dans la tradition catholique et royaliste[1], M. de Lamartine s’en était éloigné à regret, et pour

  1. C’est à cette tradition qu’il faut rapporter les solutions incomplètes de M. de Lamartine à plusieurs questions essentielles de la vie mo-